Emploi

La présente note fait suite à la présentation faite en date du 26 mars 2013 par Madame Jaeggy-Roulmann, conseillère emploi au cabinet de Madame Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées, relative aux travaux préparatoires au Comité interministériel du handicap.

Il s’agit pour notre Commission Emploi de définir quelles sont nos priorités en matières d’accès à l’emploi et à la formation, et de maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

En premier lieu, nous attirons l’attention du Comité interministériel du handicap sur le fait que nous annexons au présent document les différentes notes, rapports et contributions produits par les précédentes mandatures de cette commission car nous estimons que ces éléments sont toujours d’actualité.

Par ailleurs, les priorités que nous exprimons ci-après sont à observer à la lumière de la conjoncture actuelle qui s’avère particulièrement difficile, notamment pour les personnes en situation de handicap dont pas moins de 371 000 sont au chômage selon Pôle Emploi.
Ce chiffre est bien en deçà de la réalité, puisqu’il n’inclue pas les personnes issues du secteur protégé à la recherche d’un emploi.
Les jeunes en situation de handicap voient leurs difficultés d’entrer dans le monde du travail augmenter fortement et ce malgré la mise en place de mesures générales dont ils peuvent bénéficier (emplois d’avenir et contrats de génération).
Nous nous trouvons donc dans une situation où certaines mesures urgentes sont à prendre.

Aussi, un de nos fils conducteurs est de garantir la continuité des parcours, d’éviter les ruptures entre les différentes étapes que sont l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, le maintien et l’évolution dans l’emploi. Cette sécurisation des parcours professionnels nécessite la mise en œuvre d’un accompagnement approprié.

La commission tient également à préciser que les travaux s’inscrivent dans l’esprit de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010.

Enfin la commission souhaite que le CNCPH soit consulté sur le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires (l’article 4 concerne la décentralisation de la formation et de la qualification professionnelle des personnes handicapées).

Les priorités de la Commission concernent donc :

Gouvernance

  • Concernant la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, nous rappelons que l’État est la seule entité habilitée à rendre compte au niveau international de la mise en œuvre de celle-ci.
    La commission souhaite que le rapport présenté aux Nations Unies fasse l’objet d’une concertation avec le CNCPH. D’autre part, les points de contact nationaux pour les questions relatives à l’application de cette convention doivent être connus de tous les membres du CNCPH.
  • En matière de gouvernance et pilotage :
    • les dispositifs et instances relatifs à la formation et à l’emploi sont multiples, peu lisibles, parfois inadaptés et manquent de coordination. L’accompagnement et le cheminement vers et dans l’emploi doivent être mieux articulés, les coopérations entre acteurs rendues davantage opérationnelles et efficientes (référé pilotage des politiques d’emploi des personnes en situation de handicap - cour des comptes 08/02/2012).
    • les données sur l’emploi public et privé des personnes en situation de handicap sont insuffisantes. Or le manque cruel de données nuit à la lisibilité et au pilotage de la politique d’emploi des personnes handicapées Un cahier des charges pourrait être établi afin de disposer d’un état des lieux de l’emploi public et privé car le manque cruel de données nuit à la lisibilité de la politique d’emploi des personnes.
    • la commission demande l’activation d’un pilotage stratégique par l’Etat de la politique d’emploi des travailleurs handicapés. La commission considère que l’implication de la DGEFP doit être davantage affirmée et rendue lisible. La rédaction dans un rapport annuel sur la politique d’emploi des travailleurs handicapés et ses résultats confiée aux services de l’État constituerait une base intéressante.
    • un bilan du « Plan Métier » mis en place en 2008 doit être fait.
  • Concernant la Convention multipartite sur la politique de l’emploi : l’étude de cette convention permet de constater le manque de plans d’action concrets avec des objectifs pour chaque partie prenante. Le rapport de la DGEFP devrait évaluer le suivi de sa mise en œuvre afin de prendre en compte les conclusions pour l’orientation de la convention suivante. Un suivi spécifique des conventions signées avec le FIPHFP apporterait une lisibilité sur le volume d’emploi des travailleurs handicapés dans la Fonction publique.
  • Besoin de maillage territorial pour une meilleure égalité de traitement :
    Des iniquités de réponse aux besoins des travailleurs handicapés entre les territoires, des pratiques hétérogènes sont constatées. Il faut uniformiser l’offre de services sur le territoire
    A cet égard, concernant le volet accompagnement à l’insertion professionnelle des services de type SAMSAH et SAVS, les membres de la commission notent l’absence d’engagement des conseils généraux en dépit des mentions du décret 2005-223 du 11 mars 2005 relatif aux conditions d’organisation et de fonctionnement des services d’accompagnement à la vie sociale et des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés.
    Des outils normés avec des référentiels sont nécessaires pour améliorer l’équité sur le territoire.
  • Les systèmes d’information : si certaines données sont manquantes, d’autres sont très parcellaires et non consolidées. Nous demandons que soit construit et mis en œuvre, une fois la faisabilité validée, un système d’information précis, efficace et régulier, conformément à l’article 31 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Seules des informations consolidées permettront des décisions éclairées et un accompagnement efficient des personnes.

Sécurisation des parcours professionnels

Formation professionnelle :

L’orientation

  • Les professionnels du service public de l’orientation, intervenants de droit commun, doivent bénéficier d’une formation pour développer une meilleure orientation des personnes en situation de handicap.
  • Nous attirons l’attention sur les débouchés des formations, il faut veiller à ne pas s’éloigner des besoins de la personne au prétexte des métiers en tension, en prenant soin de veiller au projet de vie et aux choix professionnels des personnes.

L’offre de formation :
De nombreux jeunes en situation de handicap sont en attente de formation et exclus de tout dispositif. Ceux qui sont en contrat d’apprentissage, en alternance, en lycée professionnel ou en CFA rencontrent d’importantes difficultés d’accès aux stages ou à l’emploi et se retrouvent souvent en rupture d’accompagnement. Une articulation doit être mise en place entre la formation initiale et la formation continue. Qu’il s’agisse des parcours adaptés ou ordinaires, un état des lieux sur l’accompagnement des jeunes est nécessaire. Cet accompagnement doit exister sur les temps de formation dans les établissements et pendant la période d’alternance en entreprise

  • L’offre de formation adaptée ET accessible doit être développée, ceci incluant notamment les rythmes scolaires, les outils pédagogiques, l’accessibilité physique des bâtiments…
    Il serait souhaitable qu’un décret paraisse à ce sujet.
  • Nécessité d’adapter et de renforcer les volets pédagogiques des formations (outils et modalités d’évaluation) et les rendre accessibles, se concentrer sur l’accessibilité des examens dans les CFA par exemple, mieux définir les mesures appropriées. Il convient de réfléchir au découpage dans l’accessibilité pédagogique : comment individualiser la formation, la suspendre et la reprendre si nécessaire.
  • Une meilleure articulation entre les dispositifs de formation de droit commun et les dispositifs spécialisés est indispensable. Une réflexion sur l’innovation organisant les complémentarités entre les deux dispositifs pourrait être engagée au titre des innovations.
  • La formation en alternance doit être valorisée et développée et ne pas entrer en concurrence avec des dispositifs du type CAE, CIE, emplois d’avenir…
  • Les fonctions publiques doivent donner l’exemple en proposant des contrats d’apprentissage et de professionnalisation aux jeunes handicapés le plus souvent peu qualifiés.
  • La question de la prise en charge de la rémunération des stagiaires pendant la formation professionnelle demeure. Tout travailleur handicapé, stagiaire de la formation professionnelle doit être rémunéré, ce qui n’est pas le cas partout en 2013. Cette inégalité de traitement, peu justifiable, compromet en outre la poursuite de parcours déjà difficiles.
  • Mieux accompagner tous les types de demande de VAE provenant des travailleurs handicapés notamment celle émanant d’un travailleur handicapé en milieu ordinaire
Accompagnement
  • L’accompagnement s’entend au sens large et doit être conçu dés le départ vers et dans l’emploi, à la formation, ainsi que dans leur parcours d’insertion professionnelle.
  • L’accompagnement et le suivi des personnes dans les entreprises doit se faire au long cours, il va au-delà du recrutement et il doit pouvoir être pérennisé autant que de besoin. Il existe différentes formes d’expérimentations menées en matière d’accompagnement. Un recensement et une évaluation des dispositifs seraient utiles. Les accompagnements socioprofessionnels sont trop souvent conçus de façon uniforme. L’offre de service existante prend aujourd’hui insuffisamment en compte les personnes les plus éloignées de l’emploi (notamment les seniors) et les plus lourdement handicapés.
  • La formation des acteurs de l’insertion, des professionnels, de l’encadrement (DRH…) est essentielle. Un référentiel de formation doit être bâti et proposé dans toutes les formations de manager permettant ainsi de mieux orienter, de mieux accueillir la personne au sein de l’entreprise et de l’équipe de travail , Un effort particulier doit être porté sur la fonction publique.
  • Il faut former les professionnels qui accompagnent les personnes handicapées comme par exemple les ergonomes.

Les bénéficiaires de l’AAH
Plusieurs actions sont engagées concernant le développement de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap bénéficiaires de l’AAH, certaines doivent être révisées, d’autres doivent être évaluées
Concernant la RSDAE : le décret de septembre 2012 doit être révisé afin d’assouplir ses conditions de mise en œuvre et favoriser effectivement l’emploi des personnes en situation de handicap.
Telle que définie aujourd’hui la RSDAE, (principalement la question du mi-temps en emploi au delà duquel elle disparaît avec pour conséquence la perte de l’AAH résiduelle pour les personnes) est une véritable barrière au passage de l’ESAT vers le milieu ordinaire de travail. Par ailleurs, les difficultés, aujourd’hui particulièrement élevées, d’accès à la RLH en sortie d’ESAT, viennent ajouter à la barrière imposée aux personnes, une 2e barrière, s’il en était besoin, au niveau des employeurs.
La Commission insiste sur la nécessité impérieuse de la levée de ces deux obstacles majeurs à la fluidité du parcours des personnes handicapées en matière de sortie d’ESAT vers le milieu ordinaire de travail.

Dans le cadre des travaux engagés sur l’employabilité concernant les bénéficiaires de l’AAH, les expérimentations menées nécessitent une évaluation approfondie et partagée avant toute généralisation. La mise en œuvre des bonnes pratiques recensées ne peut souffrir d’un retard.

Maintien et évolution dans l’emploi

La mobilité

  • La mobilité professionnelle des travailleurs handicapés devrait être davantage un enjeu de RH.
  • Des moyens de suivi de l’évolution de la carrière professionnelle devraient être mis en place afin de gérer au mieux les personnels en situation de handicap (évolution professionnelle, mobilité géographique, état de santé, évolution des activités et des services …) et d’anticiper au mieux les situations et mettre en place les dispositifs nécessaires.

Le maintien dans l’emploi
Le maintien dans l’emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle passent par un repérage précoce des personnes rencontrant des difficultés (liées à leur état de santé ou à l’évolution des activités ou des services). Une action forte devrait être engagée pour réduire le nombre de personnes licenciées suite à une inaptitude.

Lien entre le milieu protégé et le milieu ordinaire - Favoriser les passerelles
  • La commission demande :
    • la sécurisation des parcours dans les transitions professionnelles des jeunes de la formation initiale vers emploi,
    • la création de passerelles du milieu protégé vers le milieu ordinaire et vice versa,
    • la création de passerelles entre les formations.
  • L’orientation générale sur les transitions professionnelles doit être définie afin d’améliorer la fluidité tant pour les sorties vers le milieu ordinaire que pour les retours vers l’emploi protégé.
  • La commission demande à être informée concernant les arbitrages ministériels relatifs au Plan d’adaptation et de développement des ESAT, pour l’élaboration duquel les organisations se sont fortement investies.

Obligation d’emploi

La commission demande que :

  • le quota d’emploi ne subisse aucune modification.
  • il soit mis fin aux exceptions dans la fonction publique d’État en particulier celles relevées dans un rapport de la Cour des Comptes (référé du 29/02/2012 de la cour des comptes sur l’inégalité de traitement entre secteur privé et secteur public)
  • Les fonds générés par l’obligation faite à l’État Employeur doivent bénéficier à l’emploi des fonctionnaires ou assimilés et non être utilisés pour remplir une mission de service public auprès des élèves handicapés Cela relève d’un autre dispositif
  • Les conventions dans le public ne permettent pas, de par leur structuration différente de celle des accords dans le privé, d’appréhender correctement l’efficience des dispositifs. Une harmonisation de ceux-ci est nécessaire.
  • Nécessité d’évaluer en terme quantitatif et qualitatif les dispositifs existants afin de favoriser les actions incitant à développer l’emploi en milieu ordinaire
  • Harmoniser le calcul du recours aux ESAT et EA dans le cadre de l’obligation d’emploi :
    • Aligner le calcul pour la fonction publique sur celui du secteur privé
    • Aligner le calcul de l’évitement de la surcotisation sur les mêmes règles que la DOETH

Ces modifications réglementaires permettraient, de lutter contre les pratiques abusives, dénoncées par l’ensemble du secteur, visant à vendre tous types de produits, s’appuyant sur des argumentaires commerciaux, misérabilistes et culpabilisants.