Bulletin Officiel n°98/23Direction générale de la santé

Avis du 19 mai 1998 du conseil supérieur d'hygiène publique de France
relatif à l'amalgame dentaire (section des milieux de vie)

SP 4 436
1468

NOR : MESP9830199V


(Texte non paru au Journal officiel)

Les amalgames dentaires à base de mercure et d'argent constituent des matériaux d'obturation utilisés pour le traitement des lésions carieuses depuis plus de 150 ans. Il s'agit de dispositifs médicaux dont l'efficacité thérapeutique (et, en particulier, l'action bactéricide) est démontrée. Dans certaines indications, ces matériaux sont actuellement irremplaçables. Les amalgames ont fait l'objet de nombreux travaux notamment pour évaluer leur toxicité car ils sont accusés périodiquement d'être à l'origine de divers troubles.
Les amalgames dentaires libèrent, en effet, de faibles quantités de mercure qui sont partiellement absorbées. La dose quotidienne absorbée est généralement inférieure à 5 mg. D'une manière générale, l'apport de mercure lié à l'amalgame en bouche est insuffisant pour produire des effets pathologiques dose-dépendants.
La seule pathologie très probablement liée aux amalgames dentaires est la survenue de rares réactions locales lichénoïdes, souvent associée à une sensibilisation au mercure. Toutefois, ces lésions peuvent également être observées avec d'autres types de matériaux.
Certains effets toxiques systémiques ont été observés indépendamment de la dose, après exposition professionnelle au mercure ; c'est le cas, en particulier, des atteintes rénales glomérulaires de mécanisme immunotoxique. De ce fait on ne peut exclure qu'ils puissent être observés chez des porteurs d'amalgames, mais de tels faits n'ont pas été rapportés dans la littérature scientifique.
Par ailleurs, du fait des quantités de mercure manipulées dans les cabinets dentaires, des recommandations pour les professionnels eux-mêmes doivent être rappelées.
De plus, des dispositions réglementaires viennent d'être prises pour limiter les rejets de mercure dans l'environnement.
Les biomatériaux de substitution restent actuellement plus complexes et plus coûteux à mettre en oeuvre avec une longévité moindre et une biocompatibilité qui n'est pas supérieure à celle de l'amalgame. Cependant, dans ce domaine, les progrès technologiques sont très rapides (améliorations des caractéristiques mécaniques, d'adhérence, de durabilité et de biocompatibilité).

Le Conseil recommande pour le patient

Etant donné l'évaluation du rapport bénéfice/risque réalisée à partir des données disponibles, l'interdiction des obturations à base d'amalgame ne se justifie pas, non plus que leur retrait systématique. Il importe cependant de rappeler un certain nombre de précautions d'emploi :
1. Les amalgames de nouvelle génération (dits : non g2), qui ont des performances et une longévité supérieure, à celles des amalgames traditionnels et qui relarguent moins d'ions métalliques, doivent être utilisés au lieu des amalgames traditionnels (dits : g2). Ils doivent, de plus, être utilisés sous un conditionnement en capsules prédosées.
2. En cas de forte prévalence carieuse et de lésions étendues chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte jeune, l'amalgame reste le matériau le mieux adapté. Dans les cas de petites lésions, les techniques adhésives, dépourvues de mercure et mettant en oeuvre des biomatériaux dédiés à cette technique, trouvent leur indication.
3. Des lésions lichénoïdes observées, parfois, au voisinage d'un amalgame peuvent témoigner d'une intolérance au mercure. Cette intolérance, correctement documentée, justifie la dépose de l'obturation.
4. Il ne faut pas placer des amalgames dentaires au voisinage d'autres restaurations métalliques, afin d'éviter tout risque de corrosion.
5. Le fraisage et le polissage de l'amalgame entraînant une volatilisation du mercure doivent toujours être réalisés sous refroidissement, aspiration et champ opératoire.
6. La pose et la dépose d'amalgame augmentant sensiblement la libération de mercure, il est prudent de les éviter pendant la grossesse et l'allaitement.
7. La mastication de gomme à mâcher augmente transitoirement la libération de mercure par les amalgames ; leur consommation fréquente doit être évitée par les porteurs de nombreux amalgames.

Le Conseil recommande pour les professionnels

Afin de limiter au maximum la concentration de mercure dans l'atmosphère des cabinets dentaires, il faut :
1. Informer les professionnels et leurs employés de la toxicité du mercure et de la nécessité de respecter les règles d'hygiène et les bonnes pratiques.
2. Utiliser les nouveaux amalgames (dits non g2) en capsules prédosées, afin de limiter tout risque de contamination. Les capsules d'amalgame doivent être stockées dans un endroit frais et ventilé.
3. Travailler dans des locaux ventilés ; le cabinet doit être aéré plusieurs fois dans la journée. S'il y a un dispositif de climatisation avec filtrage d'air, il faut respecter les consignes du fabricant pour l'entretien régulier des filtres.
4. Proscrire tapis, moquettes, rideaux et tissus muraux dont la décontamination est impossible.
5. Condenser l'amalgame par les moyens classiques (fouloir) et ne pas utiliser de condensateur à ultrasons afin d'éviter la formation d'aérosols.
Il est vivement conseillé aux professionnels de s'équiper rapidement d'un séparateur d'amalgame, l'arrêté du 30 mars 1998, relatif à l'élimination des déchets d'amalgame issus des cabinets dentaires, rendant obligatoire la récupération de l'ensemble des déchets d'amalgame dans un délai de 3 ans.

Le Conseil recommande aux pouvoirs publics

1. Bien que plusieurs études aient montré une diminution de la prévalence des caries, il est nécessaire de poursuivre et d'intensifier une politique de prévention de la carie dentaire. Les données scientifiques font apparaître que plus de 80 % des lésions carieuses peuvent être évitées.
2. Comme pour toute démarche thérapeutique, il est souhaitable d'apporter une information claire et objective au public et aux professionnels sur l'amalgame dentaire. A cet effet, des documents nationaux devraient être réalisés et largement diffusés.
3. Il convient de développer des études afin d'évaluer le rôle éventuel de la présence d'amalgames dans diverses pathologies telles que certaines formes de néphropathies glomérulaires et les réactions d'intolérance locale. Des investigations sont à mener auprès des professionnels également.
4. Des stratégies d'innovation, de développement et d'évaluation des biomatériaux de substitution devraient être soutenues conjointement avec l'industrie et les organismes de recherche scientifique.
5. Il est nécessaire d'étudier l'opportunité de soumettre les matériaux d'obturation à un régime d'autorisation préalable à leur mise sur le marché. De même, il convient de mettre en place une traçabilité continue de ces matériaux jusqu'au patient, dans le cadre du système de matériovigilance.
Cet avis ne peut être diffusé que dans sa totalité, sans suppression ni ajout.