Bulletin Officiel n°2002-50Direction générale de la santé
Sous-direction des pathologies
et de la santé
Bureau de l'alerte
et des problèmes émergents
DGS/SD 5 B

Circulaire DGS/SD 5 B n° 2002-558 du 15 novembre 2002 relative à la transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire en cas d'Orthopoxviroses, dont la variole

SP 4 435
3932

NOR : MESP0230557C

(Texte non paru au Journal officiel)

Date d'application : immédiate.
Références : décret n° 2002-1089 du 7 août 2002, paru au Journal officiel du 11 août 2002, modifiant la liste des maladies faisant l'objet d'une transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire et modifiant les articles D. 11-1 et D. 11-2 du code de la santé publique ; articles R. 11-2 et R. 11-3 du code de la santé publique ; avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France des 5 et 16 novembre 2001.
Annexes : diagnostic différentiel variole-varicelle ; coordonnées des services de maladies infectieuses des hôpitaux référents.

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (pour information) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour mise en oeuvre et diffusion aux professionnels de santé])

I. - RAPPEL GÉNÉRAL
I.1. Contexte

Les Orthopoxviroses sont des infections dues à des virus du genre Orthopoxvirus. Parmi eux, le virus de la vaccine (à partir duquel est élaboré le vaccin antivariolique), le monkeypox, le cowpox et potentiellement le camelpox sont responsables de zoonoses et n'infectent l'homme qu'accidentellement. A l'inverse, le virus de la variole entraîne une maladie strictement humaine.

I.2. Agents étiologiques

Les Orthopoxvirus se caractérisent par une morphologie en briques et un génome de grande taille à ADN double brin.

I.3. Variole

Le dernier cas de variole a été diagnostiqué en France en 1955 et dans le monde, en Somalie, en 1977. L'éradication du virus de la surface du globe a été déclarée par l'Organisation mondiale de la santé en 1980. En conséquence, la vaccination des populations a été suspendue. Dans ce contexte, tout cas de variole doit être considéré a priori, comme résultant d'un acte terroriste.
C'est une maladie extrêmement contagieuse, dont la mortalité varie de 1 % (variole mineure) à 30 % (variole majeure). En l'absence de traitement efficace, la vaccination antivariolique est actuellement la seule arme contre la maladie.
Officiellement, seuls les laboratoires du Centers for Disease Control (Atlanta, Etats-Unis) et de Novosibirsk (Fédération de Russie) détiennent le virus de la variole.

I.3.1. Manifestations cliniques

Le délai d'incubation de la variole est compris entre 7 et 17 jours (14 jours en moyenne). La maladie débute par une forte fièvre associée de manière variable à un malaise, une prostration, des céphalées, des douleurs dorsales, des frissons, des vomissements, des douleurs abdominales. Cette phase prodromique est suivie, 2 à 4 jours après, d'une éruption vésiculo-pustuleuse centrifuge, évoluant en une seule poussée, prédominant sur la face et les extrémités.
La varicelle est le principal diagnostic différentiel à évoquer. Le tableau 1 (en annexe) résume les éléments permettant de différencier, sur le plan clinique, la variole d'une varicelle grave.

I.3.2. Contagiosité

La variole est une maladie très contagieuse. La contamination inter-humaine peut se faire par voie aérienne et dans une moindre mesure à partir des lésions cutanées.
Le malade est contagieux à partir de l'éruption cutanée jusqu'à la chute des croûtes (jusqu'à 3 semaines après le début des signes) mais essentiellement durant la première semaine de l'éruption.

I.3.3. Contexte particulier du bioterrorisme

Dans le contexte de l'utilisation du virus de la variole comme arme biologique, la contamination se ferait vraisemblablement par aérosolisation de virus. La maladie infecterait alors un nombre important de personnes car le virus peut survivre dans l'environnement (de quelques heures à 2 jours, selon les conditions de température et d'hygrométrie) et la dose infectante est extrêmement faible.

I.3.4. Diagnostic biologique

Le virus de la variole peut être identifié à partir de prélèvements biologiques (sang, sérosités de vésicules ou de pustules, produits de grattage des lésions).
La caractérisation du genre Orthopoxvirus s'effectue par une technique de PCR en temps réel dans les laboratoires des hôpitaux référents (un hôpital par zone de défense). Le diagnostic d'espèce du virus de la variole sera réalisé par un laboratoire d'expertise qui assurera l'identification précise du virus.

I.3.5. Traitement

A ce jour, aucun traitement n'a fait la preuve de son efficacité contre le virus. La seule arme reste la vaccination qui, lorsqu'elle est administrée dans les 4 jours suivant le contage ou l'exposition à un aérosol prévient ou diminue l'intensité de la maladie.
Le traitement symptomatique consiste essentiellement à prévenir les troubles hydro-électrolytiques et à traiter par antibiotiques les complications infectieuses cutanées. L'AFSSaPS a établi des recommandations concernant ces traitements antibiotiques, consultables sur le site Internet de l'AFSSaPS : http://www.afssaps.sante.fr.
Des recherches sur le traitement de la variole par anti-viraux sont en cours aux USA (portant notamment sur le Cidofovir).

I.4. Autres Orthopoxviroses

Le monkeypox est responsable de la variole simienne. Cette maladie est localisée dans la forêt tropicale d'Afrique centrale et de l'Ouest où elle affecte principalement les sujets non vaccinés contre la variole. Les personnes s'infectent généralement au contact d'animaux sauvages, notamment d'écureuils arboricoles qui semblent être le véritable réservoir du virus (bien que le virus ait été isolé la première fois chez le Macaca cynomolgus). La transmission inter-humaine existe mais de manière moins importante que dans la variole. La dernière épidémie humaine de Monkeypox remonte à 1996-1997 au Kasaï oriental (R.D. Congo).
Le virus cowpox, malgré son nom, a pour réservoir les rongeurs mais peut être isolé chez les félins et les bovidés. L'homme s'infecte le plus souvent au contact du chat. La transmission interhumaine est faible.
Quant au camelpox, il est responsable de la variole des camélidés, principalement au Proche-Orient et au Moyen-Orient et également en Afrique. La proximité phylogénétique de son génome avec celui du virus de la variole font craindre une émergence chez l'homme. Certains Etats travailleraient sur une souche génétiquement modifiée de ce virus à visée d'arme biologique.
Ces Orthopoxviroses réalisent un tableau clinique proche de celui de la variole. Leur diagnostic biologique fait appel à une technique de PCR en temps réel (cf. I.3.4).
La vaccination antivariolique resterait indiquée, compte tenu de l'existence de réactions croisées entre les Orthopoxvirus.

II. - PROCÉDURE DE SURVEILLANCE

Le décret n° 2002-1089 du 7 août 2002, paru au Journal officiel du 11 août 2002, a prévu le signalement en urgence et la notification des cas de variole et autres orthopoxviroses.

II.1. Le signalement

Tout docteur en médecine ou tout biologiste responsable d'un laboratoire, en particulier les laboratoires des hôpitaux référents des zones de défense, ayant connaissance d'un cas de variole ou autre orthopoxvirose confirmé, doit le signaler sans délai au médecin inspecteur de santé publique (MISP) de la DDASS concernée, par téléphone ou par télécopie (ou tout autre moyen jugé pertinent).
Doit également être signalé, en l'absence de confirmation biologique, tout cas suspect répondant aux critères ci-dessous :

  • en l'absence d'autre cas : éruption caractéristique de la variole (voir annexe I) ;

  • en présence d'autre cas, chez un sujet sans lien épidémiologique avec un cas suspect ou certain : syndrome pseudo-grippal suivi d'une éruption maculo-papuleuse ;
  • en présence d'autre cas, chez un sujet avec un lien épidémiologique avec un cas certain : tout syndrome pseudo-grippal.
  • En cas de signalement, même au stade de suspicion, et après avoir validé les informations du déclarant, le MISP doit immédiatement informer la direction générale de la santé (DGS) et l'Institut de veille sanitaire (InVS).
    Lors du signalement, le MISP veillera à recueillir auprès du déclarant les indices évoquant une origine malveillante à la contamination et devra alors saisir sans délai le procureur de la République.

    II.2. La notification

    La notification sera réalisée par tout docteur en médecine ou tout biologiste responsable d'un laboratoire qui constate le cas, à l'aide d'une fiche, en cours de validation, qui sera publiée par arrêté dès que la CNIL aura donné son avis, conformément à l'article R. 11-2 du code de la santé publique.

    III. - CONDUITE À TENIR EN CAS DE SIGNALEMENT

    L'investigation a pour but de confirmer le diagnostic, d'identifier d'autres cas liés au signalement, de déterminer le mode de transmission, la source d'exposition, de définir la population exposée et les sujets contacts éventuels, afin de guider les mesures de contrôle à mettre en oeuvre pour limiter la transmission de la maladie à partir du cas.
    L'investigation sera conduite par le MISP de la DDASS concerné par le signalement, avec l'appui de la CIRE, de l'InVS et en lien étroit avec la DGS. Il devra :

    1. Devant un cas suspect de variole

    1. S'assurer que le cas répond à la définition ci-dessus ;
    2. Contacter le service des maladies infectieuses de l'hôpital référent de la zone de défense (liste jointe en annexe) et organiser avec celui-ci le transport et l'hospitalisation du cas suspect, dès que les conditions d'accueil et d'isolement du patient, permettant d'éviter tout risque de transmission, seront réunies ;
    3. S'assurer de l'envoi du prélèvement au laboratoire de l'hôpital référent de la zone de défense pour la détection d'un orthopoxvirus par PCR ;
    4. Rechercher d'autres cas humains ;
    5. Réaliser les investigations sur l'origine de la contamination : rechercher une notion de contact avec un sujet potentiellement infecté (en cas de variole, dans les première à troisième semaines avant l'apparition des premiers signes cliniques) ou avec un animal infecté, définir s'il y a lieu la zone d'exposition (en cas d'aérosolisation), identifier un séjour récent en Afrique centrale ou de l'Ouest (Monkeypox) ;
    6. Identifier dès à présent les sujets contacts du cas ainsi que, s'il y a lieu, la population potentiellement exposée aux sources de contamination suspectées. Est défini comme sujet contact :

    Faire procéder, le cas échéant (en fonction des éléments épidémiologiques de l'enquête) à des prélèvements environnementaux, voire animaux si suspicion d'une orthopoxvirose autre que la variole.

    2. Devant un cas confirmé de variole

    1. S'assurer que le cas est hospitalisé dans des conditions d'isolement strict, jusqu'à la chute des croûtes (qui peut survenir jusqu'à 3 semaines après le début des signes) ;
    2. Définir avec la DGS les modalités d'envoi du prélèvement biologique à un laboratoire d'expertise qui assurera l'identification précise du virus ;
    3. Si cela n'a pas déjà été fait, réaliser les investigations sur l'origine de la contamination (voir point 5 ci-dessus) ;
    4. Déterminer et mettre en oeuvre les mesures de prophylaxie individuelle et de surveillance chez les sujets contacts ou exposés au virus.
    En cas de variole, il s'agit notamment de :

    Il n'est pas nécessaire d'isoler les sujets contacts asymptomatiques car ils ne peuvent pas transmettre la maladie avant l'apparition des signes cliniques. Néanmoins, l'apparition d'une fièvre dans un délai compatible avec la période d'incubation doit conduire à l'isolement.

    Le directeur général de la santé,
    Pr. L. Abenhaïm


    supprimé pour essai voir PF problème sur Supplément

    ANNEXE I
    Tableau 1 : diagnostic différentiel variole-varicelle

    VARIOLEVARICELLE
    Antécédents Pas d'antécédent connu de varicelle.
    Notion de contageExposition à un cas ou à une suspicion de variole 7 à 17 jours avant la survenue de la fièvre.Exposition à un cas de varicelle ou de zona 10 à 21 jours avant l'éruption cutanée.
    ProdromesApparition de la fièvre 2-4 jours avant l'éruption +/- malaise, prostration, céphalées, douleurs dorsales, frissons, vomissements, douleurs abdominales.Peu ou pas de prodromes, apparition de la fièvre en même temps que l'éruption.
    Aspect de l'éruptionGrandes lésions (5 à 10 mm de diamètre), bien circonscrites, dures et enchassées dans le derme, parfois ombiliquées ou confluentes.Petites lésions (1 à 5 mm de diamètre), superficielles.
    Distribution de l'éruptionPremières lésions au niveau du palais, de la face et des avant-bras. Distribution centrifuge : lésions prédominant sur la face et les extrémités et présentes sur la paume des mains et la plante des pieds.Premières lésions au niveau de la face et du tronc. Distribution centripète : pustules plus nombreuses sur le tronc, épargnent la paume des mains et la plante des pieds.
    Evolution de l'éruptionEvolution lente. Lésions toutes au même stade dans une même zone du corps.Evolution rapide. Lésions à différents stades dans une même zone du corps.
    Signes générauxTrès marqués.Peu marqués.

    Un guide est en cours d'élaboration qui précisera, en fonction du niveau du risque de survenue de cas de variole, les critères de demande de confirmation biologique et de signalement de cas pouvant être suspectés d'être des cas de variole.
    supprimé pour essai voir PF problème sur Supplément

    ANNEXE II
    Coordonnées des services de maladies infectieuses
    des hôpitaux référents

    M. le professeur Delmont (J.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital nord de Marseille, chemin de Bourely, 13015 Marseille, tél : 04-91-96-89-80.
    M. le professeur Christmann (D.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpitaux universitaires, 67091 Strasbourg Cedex, tél : 03-88-11-65-86.
    M. le professeur Dupon (M.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex, tél : 05-56-79-56-79.
    M. le professeur Peyramond (D.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital de la Croix Rousse, 69317 Lyon Cedex 04, tél : 04-72-07-17-48.
    M. le professeur Michelet (P.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Leguillaux, 35000 Rennes, tél : 02-99-28-42-87.
    M. le professeur Bricaire (F.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, G.H. Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, tél : 01-42-16-01-11.
    M. le professeur May (T.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, C.H.U. de Brabois, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, tél : 03-83-15-40-97.
    M. le professeur Vilde (J.L.) :
    Service des maladies infectieuses et tropicales, G.H. Bichat - Claude-Bernard, 75018 Paris, tél : 01-40-25-78-03.
    M. le professeur Beaucaire :
    Service de réanimation et maladies infectieuses, centre hospitalier de Tourcoing, 59208 Tourcoing Cedex, tél : 03-20-69-44-30.
    M. le professeur Caron (F.) :
    Service des maladies infectieuses, hôpital Charles-Nicolle, 76031 Rouen Cedex, tél : 02-32-88-82-61.