SANT4 - Bulletin Officiel N°2005-6: Annonce N°40




Circulaire DSS/DACI no 2005-235 du 19 mai 2005 relative aux modalités de mise en oeuvre du décret no 2005-386 du 19 avril 2005 relatif à la prise en charge des soins reçus hors de France

NOR :  SANS0530207C

Date d’application : immédiate.
Références :
        Traité instituant la Communauté européenne, articles 28, 30, 49 et 50 ;
        Code de la sécurité sociale, titre VI du livre premier ;
        Code de la santé publique.
Textes abrogés : lettre ministérielle du 29 avril 1998.
Textes complétés :
        Circulaire DSS/DACI/2001/120 du 1er mars 2001 ;
        Circulaire DSS/DACI/2003/286 du 16 juin 2003 ;
        Circulaire DSS/DACI/2004/134 du 23 mars 2004.
Le ministre des solidarités, de la santé et de la famille à Monsieur le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ; Monsieur le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) ; Monsieur le directeur de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, sous couvert de Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales (DEPSE) ; Mesdames et Messieurs les directeurs ou responsables des caisses, organismes ou services assurant la gestion d’un régime spécial ou autonome de sécurité sociale ; Monsieur le directeur du centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales, direction interrégionale de sécurité sociale des Antilles-Guyane, direction départementale de la sécurité sociale de la Réunion).
    Le décret no 2005-386 du 19 avril 2005 relatif à la prise en charge des soins reçus hors de France publié au JORF du 27 avril 2005 parachève l’intégration en droit interne de la jurisprudence communautaire relative à la libre prestation de services et à la libre circulation des marchandises en matière de soins de santé.
    Il satisfait ainsi aux prescriptions de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) concernant la prise en charge des soins reçus par un assuré dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (UE-EEE).
    Cette intégration de la jurisprudence communautaire aux règles françaises de remboursement des soins reçus dans un autre Etat membre s’est faite par étapes.
    Trois circulaires (citées sous la rubrique « textes complétés ») ont progressivement ouvert le droit à la prise en charge des soins reçus en UE-EEE sur la base des prescriptions précitées.
    Elles définissent les conditions de remboursement des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), des prestations hospitalières et des soins ambulatoires (notamment des actes des professionnels de santé et des analyses de biologie médicale) facturés dans un autre Etat membre.
    L’article L. 332-3 du code de la sécurité sociale (CSS) a par ailleurs été modifié par l’ordonnance no 2004-329 du 15 avril 2004 allégeant les formalités applicables à certaines prestations sociales, publiée au JORF du 17 avril 2004, afin d’exclure plus clairement de l’application du principe de territorialité inhérent au service des prestations par l’assurance maladie française, la prise en charge des soins reçus en UE-EEE.
    Dans l’article L. 332-3, les termes « à l’étranger » ont ainsi été remplacés par les termes « hors d’un Etat membre de l’UE-EEE » et un alinéa complémentaire, spécifique aux soins reçus dans un autre Etat membre, a été ajouté. Cette nouvelle rédaction permet de mieux affirmer que le remboursement des soins reçus dans un autre Etat de l’UE-EEE ne relève pas des exceptions à l’application du principe de territorialité prévues à l’article R. 332-2 du CSS, mais constitue bien un droit des assurés, qui s’exerce dans le respect de certaines adaptations autorisées par la CJCE et fixées en droit interne par un décret en Conseil d’Etat.
    Ce décret no 2005-386 du 19 avril 2005 relatif à la prise en charge des soins reçus hors de France a été publié au JORF du 27 avril 2005.
    Il détermine les conditions de prise en charge des soins reçus à l’étranger en fonction de la zone géographique dans laquelle ils ont été délivrés : l’article 2 du décret limite ainsi clairement le champ d’application de l’article R. 332-2 aux soins reçus hors UE-EEE et son article 3 crée quatre nouveaux articles (R. 332-3, R. 332-4, R. 332-5 et R. 332-6) spécifiques aux soins reçus en UE-EEE.
    L’objectif de la présente circulaire est d’exposer les principaux changements engendrés par la mise en oeuvre de ce décret, qui complète et stabilise les dispositions prévues dans les circulaires précitées.

I.  -  LA PRISE EN CHARGE DES SOINS
REÇUS HORS UE-EEE (ART. R. 332-2)

    La nouvelle rédaction limite clairement le champ d’application géographique de l’article R. 332-2 aux soins reçus « hors d’un Etat membre de l’UE-EEE » (non lié à la France par un instrument de coordination international en matière de sécurité sociale - convention ou règlement - qui peut prévoir des modalités spécifiques de prise en charge des soins reçus dans ce cadre).
    Le remboursement des soins reçus en Suisse doit ainsi être examiné dans ce cadre, dans la mesure où l’accord entre l’UE et la Suisse n’intègre pas tous les aspects du traité CE liés à la libre circulation des biens et des services, précisément visée par la jurisprudence communautaire.
    La nouvelle rédaction tend également à moderniser le texte initial en rédigeant toutes les dispositions de l’article au temps présent et en précisant la nature des organismes français habilités à passer une convention avec des établissements de soins étrangers, en l’occurrence les « organismes de sécurité sociale ». Dorénavant, les organismes d’assurance maladie de base, mais aussi les caisses régionales, nationales ou encore les unions de caisses des régimes obligatoires de sécurité sociale peuvent conclure de telles conventions.
    Ces modifications ne changent en rien les modalités de mise en oeuvre de l’article R. 332-2 initial et ne portent notamment pas atteinte au principe du remboursement sur la base des tarifs de l’arrêté du 9 février 1978.
    La prise en charge des soins reçus « hors d’un Etat membre de l’UE-EEE » dans le cadre du nouvel article R. 332-2 relève ainsi toujours des exceptions au principe de territorialité inhérent au service des prestations par l’assurance maladie française et reste donc strictement limitée aux trois cas suivants : soins inopinés reçus à l’occasion d’un séjour temporaire (remboursement facultatif pour les organismes d’assurance maladie), soins reçus dans le cadre d’une convention avec un établissement de soins étranger et soins programmés sans autorisation préalable (sous certaines conditions).

II.  -  LA PRISE EN CHARGE DES SOINS REÇUS EN UE-EEE
(ART. R. 332-3, R. 332-4, R. 332-5, R. 332-6)

    Ces quatre nouveaux articles concernent spécifiquement les soins reçus en UE-EEE.
    Ils comprennent un article de portée générale qui affirme le principe de la prise en charge des soins reçus dans un autre Etat membre et trois articles d’adaptation à des situations particulières.

A.  -  Le principe général (art. R. 332-3)

    L’article R. 332-3 définit les modalités générales de remboursement des soins reçus en UE-EEE.
    Les soins reçus en UE-EEE doivent être remboursables en France pour être pris en charge.
    Le remboursement des soins reçus dans un autre Etat membre n’est pas soumis à autorisation préalable de l’organisme d’assurance maladie de l’assuré (sauf exceptions précisées ci-après au point II B). Toutefois, lorsqu’une demande d’entente préalable doit être formulée pour obtenir la prise en charge de soins en France, la même formalité doit être accomplie par l’assuré qui envisage de se faire soigner en UE-EEE.
    La prise en charge s’effectue sur la base des tarifs applicables en France, notamment pour les consultations de professionnels de santé, sur la base des tarifs conventionnels et non plus des tarifs d’autorité comme le prévoyait la circulaire DSS/DACI n° 2003-286 du 16 juin 2003.
    Les soins reçus dans un autre Etat membre sont remboursés dans la limite des dépenses engagées.
    Le principe est donc de prendre en charge les dépenses de soins exposées dans un autre Etat membre dans les mêmes conditions que si elles avaient été engagées en France.

B.  -  Les adaptations particulières (articles R. 332-4, R. 332-5 et R. 332-6)

    Les articles R. 332-4, R. 332-5 et R. 332-6 complètent l’article R. 332-3 en apportant certaines adaptations du principe posé par cet article dans les situations suivantes :

1.  Les soins hospitaliers (article R. 332-4)

    L’article R. 332-4 encadre le remboursement des soins hospitaliers et le recours à des équipements matériels lourds - type IRM, TEP-SCAN, etc. - listés au II de l’article R. 712-2 du code de la santé publique (CSP), auxquels il est possible d’avoir accès hors de l’hôpital, en cabinet de ville.
    Cet article ne s’applique pas aux soins reçus inopinément à l’occasion d’un séjour temporaire (professionnel, familial, touristique, etc.), qui doivent être pris en charge sur la base des règlements (CE) no 1408/71 et no 574/72 de coordination des régimes de sécurité sociale en Europe, que l’assuré ait ou non présenté dans l’Etat du lieu de soins un document communautaire attestant l’ouverture de ses droits.
    La prise en charge des soins hospitaliers et du recours à des équipements matériels lourds reste subordonnée à la délivrance d’une autorisation préalable par l’organisme d’affiliation de l’assuré qui envisage d’obtenir ces prestations en UE-EEE.
    Cette restriction est autorisée par la CJCE, les soins hospitaliers comme le recours à des équipements matériels lourds étant susceptibles, en cas de totale liberté d’accès hors du territoire national, de porter gravement atteinte à l’organisation du système sanitaire ou à l’équilibre financier du système de sécurité sociale de l’Etat d’affiliation de l’assuré.
    Toutefois, en pratique, les organismes d’assurance maladie ne doivent pas systématiquement refuser de délivrer l’autorisation préalable pour ce type de prestations programmées dans un autre Etat membre.
    L’autorisation préalable ne peut en effet être refusée, si les soins envisagés sont prévus au remboursement en France et si ces soins, ou un traitement d’effet équivalent, ne sont pas disponibles en temps opportun, c’est-à-dire dans un délai compatible avec l’état du patient et l’évolution probable de son affection.
    Pour des raisons de simplicité, ces mêmes conditions de refus doivent être appliquées dans le cadre de la mise en oeuvre de l’article 22 paragraphe 2 du règlement (CE) 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale en UE-EEE-Suisse, un système unique d’autorisation préalable devant prévaloir.
    Bien entendu, les décisions de refus doivent être motivées. La CJCE n’admet pas, en cas de refus d’autorisation préalable, que la décision n’indique pas précisément à l’assuré les raisons pour lesquelles il ne lui est pas permis d’obtenir ses soins dans un autre Etat membre. Ainsi, la simple mention, sans précisions supplémentaires, de l’existence des soins pouvant être délivrés en France en temps opportun, ne peut pas être considérée comme suffisante au regard des exigences de la CJCE. Les décisions de refus doivent donc comporter, dès lors qu’il est répondu au demandeur qu’un traitement d’effet équivalent peut être délivré en France, les éléments de faits fondant cette affirmation. Il pourra notamment être utile de communiquer une liste d’établissements ou de professionnels de santé susceptibles de prodiguer au patient les soins nécessaires dans le délai requis.
    Dans les régions qui souffrent d’un déficit d’offre de soins hospitaliers spécifiques ou d’équipements matériels lourds, les organismes d’assurance maladie devront systématiquement autoriser la prise en charge de certaines catégories de soins programmés en UE-EEE. Une prochaine circulaire précisera les régions et les types de soins hospitaliers ou équipements matériels lourds concernés par cette disposition.

2.  Le conventionnement avec des établissements de soins établis en UE-EEE (article R. 332-5)

    L’article R. 332-5 prévoit la possibilité pour les organismes de sécurité sociale français (mentionnés au point I), après accord des ministres compétents, de passer avec des établissements de soins établis en UE-EEE des conventions déterminant les conditions de prise en charge des assurés du régime français, en cas d’impossibilité pour ces derniers de recevoir en France les soins appropriés à leur état.
    Il reprend les dispositions similaires de l’article R. 332-2 applicables aux soins reçus hors UE-EEE.
    Cet article couvre les établissements sanitaires et les établissements médico-sociaux. Ainsi, par exemple, les conventions entre l’assurance maladie française et les établissements belges qui accueillent des enfants handicapés d’assurés d’un régime français continuent d’avoir une base légale et de pouvoir être conclus.
    L’article R. 332-5 précise en outre, dans un second alinéa, que dans le cadre de ces conventions, l’autorisation préalable prévue à l’article précédent n’est, par définition, plus requise.

3.  Les analyses de biologie médicale (article R. 332-6)

    L’article R. 332-6 étend le remboursement des frais d’analyses et d’examens de laboratoire aux analyses et examens réalisés par des laboratoires établis dans d’autres Etats membres de l’UE-EEE.
    Il subordonne toutefois cette prise en charge à la détention par ces laboratoires d’une autorisation délivrée par les autorités françaises pour exercer leur activité pour le compte d’assurés d’un régime français, dans les conditions prévues à l’article L. 6211-2-1 du code de la santé publique (CSP).
    Il est en effet important, en l’absence de mesures d’harmonisation communautaire, d’imposer, dans le cadre d’un régime d’autorisation, le niveau français de qualité et de protection de la santé publique aux laboratoires établis dans un autre État membre désireux d’offrir leurs services aux assurés d’un régime français.
    Une liste de laboratoires ayant reçu cette autorisation sera établie, afin que les frais d’analyses effectuées par ces laboratoires soient pris en charge comme si ces analyses avaient été réalisées par un laboratoire habilité à fonctionner sur le territoire français.
    Dans l’intervalle, puis, lorsque la liste sera constituée, en cas de présentation au remboursement par un assuré d’une facture d’analyse effectuée par un laboratoire établi en UE-EEE non autorisé à fonctionner pour le compte d’assurés d’un régime français, l’organisme d’assurance maladie concerné ne devra pas d’emblée refuser la prise en charge des frais exposés, mais devra d’une part contacter le laboratoire étranger pour lui proposer de présenter aux autorités françaises un dossier de demande d’autorisation en lui indiquant la procédure à suivre précisée à l’article L. 6211-2-1 du CSP (les textes d’application de cet article, un décret et un arrêté, sont en cours de préparation et seront transmis aux organismes d’assurance maladie dès publication) et d’autre part informer l’assuré de cette démarche.
    En cas de refus du laboratoire d’être agréé par les autorités françaises ou de non-réponse de ce dernier au bout d’un mois après envoi du courrier, l’organisme d’assurance maladie pourra refuser de rembourser les analyses effectuées et notifiera sa décision motivée à l’assuré. Une liste des laboratoires contactés ayant refusé ou n’ayant pas répondu aux organismes d’assurance maladie pourra utilement être tenue à jour.
    En cas de réponse positive du laboratoire, la décision de prise en charge des frais exposés est suspendue jusqu’à ce que les autorités françaises compétentes aient statué et décidé ou non d’autoriser le laboratoire à exercer son activité pour le compte d’assurés d’un régime français.

III.  -  LE SUIVI STATISTIQUE DE LA PRISE EN CHARGE DES SOINS REÇUS HORS DE FRANCE

    Les nouvelles dispositions introduites par ce décret nécessitent de mettre en oeuvre un suivi statistique précis et régulier des dépenses afférentes au remboursement des soins de santé reçus hors de France. Ce suivi doit permettre d’apprécier les flux financiers liés à cette évolution de la réglementation et d’identifier par pays, le nombre de patients et le type de soins concernés. Il doit également permettre de recueillir les informations nécessaires à l’exercice du contrôle médical, dans les mêmes conditions que pour la prise en charge des soins dispensés en France.
    Dans l’hypothèse où les outils informatiques des organismes d’assurance maladie ne permettraient pas de disposer des éléments nécessaires à ce suivi, il appartient aux caisses nationales de mettre en oeuvre les modalités nécessaires à la centralisation de premières statistiques pour le dernier trimestre de l’année 2005. Un point d’étape sur la mise en oeuvre de ce suivi devra être transmis par les caisses nationales à la direction de la sécurité sociale pour le 30 juillet prochain au plus tard.

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    Vous voudrez bien diffuser la présente circulaire aux organismes intéressés et me saisir des difficultés éventuelles qu’elle pourrait soulever.

Pour le ministre et par délégation :
le directeur de la sécurité sociale,
Dominique  Libault