Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers - Séjour
 

Dossier no 070266

Mme C...
Séance du 27 mai 2008

Décision lue en séance publique le 6 juin 2008

    Vu la requête en date du 10 janvier 2007, présentée par le président du conseil général de Lot-et-Garonne, qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision en date du 7 novembre 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Lot-et-Garonne a fait droit à la demande de Mme C... tendant au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter du mois de décembre 2005 ;
    2o De confirmer le refus d’ouverture des droits au revenu minimum d’insertion à compter du mois de décembre 2005 ;
    Le requérant soutient que les consorts C..., de nationalité britannique, n’ont pas de droit au séjour en France ; qu’ils n’ont pas subi d’accident de la vie et ne peuvent dès lors prétendre au revenu minimum d’insertion ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 39 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le décret no 94-211 du 11 mars 1994 ;
    Vu la lettre en date du 16 avril 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 mai 2008 M. Alexandre LALLET, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’en vertu de l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles alors en vigueur : « Pour le bénéfice du revenu minimum d’insertion, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit au séjour » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 11 mars 1994 alors en vigueur, ont un droit au séjour dans les conditions fixées par ce décret les personnes : « a) Bénéficiaires du droit de s’établir en France pour exercer une activité non salariée, en application du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ; / b)  Non-salariés bénéficiaires du droit d’exécuter en France des prestations de services ou destinataires de services en application du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ; / c) Venant en France occuper un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d) et e) ci-après ; / d) Occupant un emploi salarié en France tout en ayant leur résidence habituelle sur le territoire d’un autre Etat membre (...), où ils retournent chaque jour ou au moins une fois par semaine ; / e) Venant en France exercer une activité salariée à titre temporaire ou en qualité de travailleur saisonnier (...) » ; que le k) du même article prévoit que les personnes ne relevant pas d’autres dispositions de cet article bénéficient d’un droit au séjour s’ils disposent, pour eux-mêmes et leurs conjoints, leurs descendants et ascendants à charge, de ressources suffisantes et d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité ;
    Considérant que M. et Mme C..., de nationalité britannique, sont entrés en France au mois d’août 2002 et ont été alors informés par la commune de L... qu’un titre de séjour ne leur était plus nécessaire pour se maintenir sur le territoire ; qu’ils ont exploité un restaurant à compter du mois d’avril 2004 avant de le céder en juin 2005 et d’acquérir une résidence sise à P... ; qu’ils ont sollicité le bénéfice du revenu minimum d’insertion le 12 décembre 2005 ; que, par une décision du 23 février 2006, confirmée sur recours gracieux le 23 mars suivant, le président du conseil général de Lot-et-Garonne a refusé de leur ouvrir des droits à cette allocation au motif qu’ils ne justifient pas d’un droit au séjour en France ; que, par une décision en date du 7 novembre 2006 dont le président du conseil général de Lot-et-Garonne interjette appel, la commission départementale d’aide sociale de Lot-et-Garonne a fait droit à la demande des époux C... au motif que ces derniers pouvaient bénéficier d’un droit au séjour à leur arrivée en France ;
    Considérant, il est vrai, que si les époux C... justifiaient d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité à la date de leur demande, il ressort du courrier qu’ils ont adressé à la préfecture du Lot-et-Garonne le 3 octobre 2006 qu’ils ne disposaient alors d’aucun revenu et ne remplissaient donc pas les conditions posées par le k) de l’article 1er du décret du 11 mars 1994 pour prétendre à un droit au séjour à ce titre ;
    Mais considérant que la libre circulation des travailleurs protégée par les stipulations de l’article 39 du traité instituant la Communauté européenne, interprétées par la cour de justice des communautés européennes dans ses décisions C-292/89 du 26 février 1991 et C-138/02 du 23 mars 2004, implique le droit pour les ressortissants des Etats membres, qu’ils aient ou non exercé antérieurement une activité professionnelle, de circuler librement sur le territoire des autres Etats membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi durant un délai raisonnable qui leur permette de prendre connaissance, sur le territoire de l’Etat membre concerné, des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés, sans avoir à justifier de ressources suffisantes et d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité ni, comme le soutient à tort le président du conseil général de Lot-et-Garonne, à établir qu’ils ont subi un « accident de la vie » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et qu’il n’est pas contesté par le président du conseil général, qu’à la date de leur demande, M. et Mme C... se trouvaient à la recherche d’un emploi salarié ; que si des problèmes de santé ont freiné les démarches de M. C..., son épouse indique, dans ses écritures devant la commission départementale d’aide sociale, qu’elle suit des cours de français pour faciliter sa recherche d’emploi ; que, dans ces conditions, ces derniers remplissaient, à la date de leur demande, la condition de séjour posée à l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles et pouvaient prétendre au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter de décembre 2005 ; qu’il appartiendra toutefois au président du conseil général d’apprécier, à l’occasion de chaque révision trimestrielle, si cette condition continue d’être remplie compte tenu du sérieux des démarches de recherche d’emploi et du délai nécessaire aux allocataires pour prendre les mesures aux fins d’être engagés ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que le président du conseil général de Lot-et-Garonne n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de Lot-et-Garonne a accordé cette allocation à Mme C... à compter du mois de décembre 2005,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général de Lot-et-Garonne est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 mai 2008 où siégeaient M. MARY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. LALLET, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 6 juin 2008.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer