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Dispositions communesà tous les types d'aide sociale

Détermination de la collectivité débitrice

Domicile de secours

Mots clés : Domicile de secours – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – Etablissement – Compétence d’attribution – Procédure – Conseil d’Etat – Législation

Dossier no 140446

Mme X…

Séance du 16 octobre 2015

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures

Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 15 juillet 2014, le recours par lequel le président du conseil général du département du Cher demande au juge de l’aide sociale de fixer dans celui d’Eure-et-Loir le domicile de secours de Mme X… et de mettre à la charge de cette dernière collectivité l’allocation personnalisée d’autonomie attribuée à l’intéressée, qui résidait en Eure-et-Loir avant d’être admise dans la résidence d’hébergement H… temporaire du Cher puis au foyer-logement F… du Cher ;

Vu la lettre du 1er juin 2014 par laquelle le président du conseil général d’Eure-et-Loir décline sa compétence au motif qu’il n’est pas établi que le foyer-logement F… serait autorisé en qualité d’établissement « sanitaire ou social », non acquisitif du domicile de secours ;

Vu l’absence de mémoire en défense du président du conseil général d’Eure-et-Loir ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 octobre 2015, M. GOUSSOT, rapporteur, Mme B… pour le département du Cher, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 122‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Les dépenses d’aide sociale prévues à l’article L. 121‑1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours. » ; que, conformément à l’article L. 122‑2 du même code, celui-ci « (…) s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l’aide sociale au domicile d’un particulier agréé ou faisant l’objet d’un placement familial (…) qui conservent le domicile de secours qu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours. » ; qu’en application de l’article L. 122‑3 du même code, il se perd « 1o Par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial (…) ; 2o Par l’acquisition d’un autre domicile de secours. » ;

Considérant que Mme X…, qui avait son domicile de secours dans le département d’Eure-et-Loir, a quitté sa résidence pour être accueillie successivement dans deux établissements publics situés dans le Cher, d’abord à B… durant plus de trois mois, puis au foyer-logement F… à compter du 1er avril 2013 ; que saisi d’une demande d’aide sociale pour la prise en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile de Mme X…, le président du conseil général du Cher a instruit la demande conformément aux textes régissant l’APA, mais a transmis le dossier au président du conseil général d’Eure-et-Loir ; que celui-ci, au lieu de saisir la commission centrale d’aide sociale a, par lettre du 1er juin 2014, retourné le dossier au motif que l’absence des arrêtés d’autorisation et de tarification de la structure du président du conseil général du Cher ne lui permettait pas de reconnaître sa compétence et qu’il appartenait au président du conseil général du Cher de saisir la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant que, contrairement à cette dernière affirmation, c’est au président du conseil général d’Eure-et-Loir, saisi du dossier, qu’il appartenait de saisir la commission centrale d’aide sociale ; que, faute qu’il ne l’ait fait, la requête du président du conseil général du Cher, qui a admis provisoirement Mme X… au bénéfice de l’APA à domicile puis en établissement, est recevable ;

Considérant que poursuivant « sur sa lancée » le président du conseil général d’Eure-et-Loir ne produit pas de mémoire en défense devant le juge ; que, comme le rappelle assez régulièrement le Conseil d’Etat à la présente formation, le juge, fût-il de plein contentieux de l’aide sociale, ne doit connaître que des questions qui sont contestées devant lui, sous réserve des moyens d’ordre public ; que lorsque, comme en l’espèce, le défendeur dans le litige introduit par le requérant au titre de l’article L. 134‑3 du code de l’action sociale et des familles n’a pas produit, il convient de considérer que sa contestation se limite au motif qu’il a énoncé dans la lettre de retour du dossier au président du conseil général qui l’en saisissait ;

Considérant que dans cette lettre, comme le confirme d’ailleurs la circonstance que le caractère non acquisitif du domicile de secours de la résidence temporaire, gérée par le centre communal d’action sociale et autorisée, fut ce de manière superfétatoire, par le président du conseil général du Cher avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 n’est pas contesté, l’unique motif de la contestation du président du conseil général d’Eure-et-Loir est tiré, non de ce que, au regard de son statut, de son organisation, de son mode de financement ainsi que des prestations collectives assurées à l’ensemble des résidents, le foyer-logement F… hébergeant Mme X… ne pouvait être regardé comme un établissement social assurant l’hébergement des personnes âgées mentionné à l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, mais que cet établissement n’était ni autorisé au titre de l’article L. 313‑1 du code précité, ni tarifé par le président du conseil général du Cher ; qu’en outre, le président du conseil général d’Eure-et-Loir ne soutient pas, en tout état de cause, que la circonstance que dans un foyer-logement de plus de 25 lits l’APA accordée à Mme X… eut été l’APA à domicile, serait par elle-même de nature à interdire de qualifier le foyer-logement dont s’agit comme établissement social ;

Considérant, en premier lieu, que la dernière des trois questions sus-précisées n’est pas constitutive devant le juge de l’imputation financière de la dépense d’un moyen d’ordre public et qu’en l’absence de contestation, elle n’a pas à être examinée ;

Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu’un établissement privé est autorisé ou qu’un établissement public a été autorisé par une délibération de la personne morale ayant décidé de sa création antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002, la circonstance que cet établissement ne fasse pas l’objet d’une tarification par le président du conseil général et que l’intéressée s’y acquitte d’un « loyer » (?…) comportant des prestations d’aide à la vie quotidienne excédant celles ordinairement convenues entre un bailleur et un simple locataire n’est pas de nature à priver la structure en cause de son caractère d’établissement social non acquisitif du domicile de secours ;

Considérant, en troisième lieu, qu’alors que, comme il a été dit, le président du conseil général d’Eure-et-Loir ne conteste pas que le foyer-logement F… fut un établissement de la nature de ceux assurant l’hébergement des personnes âgées visés au 6o du I de l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, il se prévaut, dès lors, seulement de l’absence d’autorisation, au titre de l’article L. 313‑1 du même code, d’un « établissement » public créé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 soumettant dorénavant ces établissements comme les établissements privés à l’autorisation prévue à l’article L. 313‑1 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le foyer-logement de Saint-Doulchard doit être regardé comme ayant été créé, quelles que puissent être la régularité et la précision de cet acte, par une délibération du 27 octobre 1973 du conseil municipal ; qu’il y a lieu d’admettre que la gestion, au vu du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale, en a été déléguée au centre communal d’action sociale ; que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002, avant comme après celle de la loi du 30 juin 1975, les « établissements » (au sens matériel) gérés par des personnes publiques n’étaient pas soumis à autorisation ; que si l’article 80 de la loi du 2 janvier 2002 a seulement précisé que les « établissements » autorisés antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi se voyaient autorisés à fonctionner pendant 15 ans, il en va de même, même en l’absence de mention expresse de la situation des structures publiques non soumises antérieurement à autorisation, de celles créées par décision de l’organe compétent de la collectivité publique ayant décidé de cette création et que les structures publiques, comme privées, ne seront soumises à autorisation que dans les conditions prévues par la loi du 2 janvier 2002, à l’issue de la période de quinze ans de leur fonctionnement s’achevant début 2017 (si ce délai n’est pas reporté…) ; que dans ces conditions, la seule circonstance, invoquée par le président du conseil général d’Eure-et-Loir dans sa lettre de retour du dossier au président du conseil général du Cher, selon laquelle il n’était pas justifié d’une autorisation du foyer-logement F… par le président du conseil général du Cher, n’est pas de nature à priver cette structure de sa qualité d’« établissement » mentionné au 6o du I de l’article L. 312‑1 et Mme X… n’a pu y acquérir un domicile de secours à compter du 1er avril 2013 jusqu’à la date de la présente décision ; qu’il y a lieu d’ajouter que cette solution, conforme à la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale jamais, il est vrai, soumise au Conseil d’Etat, paraît en opportunité la seule raisonnable, tant il paraît vrai que les législateurs de 1975, puis de 2002, n’ont pu entendre établir des règles différentes aux établissements privés et aux établissements publics au regard de leurs conditions de fonctionnement à compter de la date à laquelle les seconds ont été comme les premiers soumis à autorisation même s’ils n’ont pas, à la différence de ce qu’il en est pour les établissements privés, précisé dans la loi du 2 janvier 2002 que les structures publiques non soumises à autorisation, avant comme après la loi du 30 juin 1975, continueraient à fonctionner pendant le même délai de quinze ans que les établissements privés et qu’une autorisation ne serait requise dans les conditions prévues par la loi qu’à l’issue de cette période ; que d’ailleurs, telle semble bien être la position adoptée à tout le moins dans le département du Cher puisque le foyer F… ferait l’objet actuellement des évaluations interne, comme externe, requises pour qu’il soit utilement statué sur l’autorisation dorénavant nécessaire à l’issue de la période de quinze ans susrappelée pour les structures publiques créées avant comme après la loi du 30 juin 1975, mais antérieurement à celle du 2 janvier 2002 ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la requête du président du conseil général du Cher ;

Considérant qu’il appartiendra au département d’Eure-et-Loir d’exécuter la présente décision, mais qu’il n’y a pas lieu dans la présente instance intentée sur le fondement de l’article L. 134‑3 du code de l’action sociale et des familles, de condamner d’ores et déjà « le conseil général d’Eure-et-Loir à rembourser les sommes versées pour les aides sociales accordées par le conseil général du Cher à titre conservatoire à Mme X… » ; qu’il n’y a pas lieu non plus de déterminer le domicile de secours de l’intéressée pour « les aides éventuelles » qu’elle « sollicitera à l’avenir »,

Décide

Art. 1er. A compter du 20 juin 2014, le domicile de secours de Mme X… au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, qu’elle perçoit pour compter de cette date, est dans le département d’Eure-et-Loir.

Art. 2. Le surplus des conclusions de la requête du président du conseil général du Cher est rejeté.

Art. 3. La présente décision sera notifiée au président du conseil départemental du Cher, au président du conseil départemental d’Eure-et-Loir. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet