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Dispositions communesà tous les types d'aide sociale

Détermination de la collectivité débitrice

Domicile de secours

Mots clés : Domicile de secours – Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Foyer d’accueil médicalisé (FAM) – Résidence – Sans domicile fixe – Conditions d’octroi – Délai – Régularité

Dossier no 150047

M. X…

Séance du 16 octobre 2015

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures

Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 25 septembre 2014, la requête du préfet de Paris tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale fixer dans le département de Paris le domicile de secours pour la prise en charge des frais d’aide sociale exposés pour M. X… au titre de son admission en foyer d’accueil médicalisé pour personne handicapée par les moyens que le dossier a été déposé à la direction départementale de la cohésion sociale de Paris le 23 avril 2014 ; que M. X… réside de manière habituelle depuis plusieurs années à Paris dans la rue et sous une tente dans Paris Nième comme en attestent le rapport social du mandataire judiciaire du demandeur qui fait mention d’une installation en 2005 et deux attestations versées au dossier qui font mention de 2008 et 2010 ; qu’ainsi, le dossier a été transféré pour instruction le 2 juillet 2014 à la présidente du conseil de Paris ; que par lettre du 8 juillet 2014, cette dernière a réfuté sa compétence financière au motif qu’une tente ne saurait être considérée comme acquisitive du domicile de secours ; que cette décision n’est pas conforme aux articles L. 122‑1 et L. 122‑2 du code de l’action sociale et des familles, dès lors que les intéressés ont une présence physique, habituelle et notoire dans un département indépendamment de l’existence pour ces personnes d’un domicile de résidence et de leurs conditions d’habitation et que le domicile de secours s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation ;

Vu les pièces jointes à cette requête, soit des bordereaux de transmission du directeur départemental de la cohésion sociale de Paris en date du 3 mars 2014 faisant état « d’une lettre de transmission du dossier à la DASES » et une lettre en date du 9 septembre 2014 de la présidente du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général au préfet exposant que « M. X… ne peut (…) justifier d’aucun domicile de secours à Paris et doit être regardé à cet égard, comme sans domicile fixe » et qu’il transmet le dossier au préfet afin qu’il puisse l’instruire ;

Vu la lettre de l’union départementale des associations familiales (UDAF) de Paris du 13 octobre 2014 entendant « interpeller la commission » sur la situation de M. X… en rappelant qu’elle avait sollicité le 19 novembre 2013 l’admission à l’aide sociale aux personnes handicapées et souhaitant un examen dans les meilleurs délais possible de la requête du préfet de Paris ;

Vu, enregistré le 11 septembre 2015, le mémoire en défense de la présidente du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental tendant à la mise à charge de l’Etat des dépenses d’aide sociale de M. X… par les motifs qu’elle entend réaffirmer que celui-ci doit être considéré comme une personne sans domicile fixe ; qu’au jour de l’examen des observations du préfet de Paris par le département de Paris, le dossier ne contient pas davantage d’informations permettant d’attribuer au postulant un domicile parisien ; que son tuteur indique qu’il dort sous une tente depuis plusieurs années installée à Paris Nième et qu’une tente ne saurait constituer un domicile, notamment au sens civil ; qu’il s’agit au surplus d’un bien meuble lequel, par opposition aux immeubles, peut être déplacé ; que les attestations produites, sous forme de formulaires pré-remplis, ne peuvent par ailleurs être retenues car elles ne comportent pas assez d’éléments permettant d’identifier leurs auteurs (date de naissance, domicile, voire copie de la pièce d’identité) ; qu’au regard de ces éléments, M. X… doit être considéré comme une personne sans domicile fixe, au sens de l’article L. 111‑3 du code de l’action sociale et des familles, circonstance justifiant que les dépenses d’aide sociale à l’hébergement de l’intéressé soient prises en charge par l’Etat en application des dispositions de l’article L. 121‑7 du même code ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 octobre 2015, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que la lettre de l’UDAF de Paris en date du 13 octobre 2014 n’est pas regardée comme une intervention au soutien des conclusions de la requête du préfet de Paris mais comme une « simple » demande de décision aussi rapide que possible de la commission centrale d’aide sociale sur la requête dont elle a été saisie le 25 septembre 2014 ;

Considérant qu’aux termes du II de l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles : « II. Lorsque le préfet est saisi d’une demande d’admission à l’aide sociale, dont la charge financière au sens de l’article L. 121‑1 lui paraît relever d’un département, il transmet le dossier au plus tard dans le mois de la réception de la demande au président du conseil général du département qu’il estime compétent. Si ce dernier n’admet pas la compétence de son département, il retourne le dossier au préfet au plus tard dans le mois de sa saisine. Si le préfet persiste à décliner la compétence de l’Etat, il transmet le dossier au plus tard dans le mois de sa saisine à la commission centrale d’aide sociale qui statue dans les conditions de l’article L. 134‑3. » ;

Considérant que ces dispositions instituent, dans le cas où le préfet est saisi de la demande d’aide sociale, une transmission préalable obligatoire du dossier par le préfet au président du conseil général assimilée, dans la jurisprudence de la présente formation, à un recours préalable administratif obligatoire ; qu’il appartient en conséquence au préfet de transmettre le dossier au président du conseil général qu’il estime compétent dans le délai d’un mois qui présente, pour l’application dudit II, un caractère impératif ; que l’absence de respect de ce délai entraîne l’irrecevabilité de la requête contentieuse postérieure du préfet, fût-elle d’ailleurs même introduite dans le délai d’un mois de la date de notification du retour du dossier par le président du conseil général ;

Considérant que dans sa requête, le préfet de Paris indique avoir reçu le dossier le 23 avril 2014 et l’avoir transmis le 2 juillet 2014, soit postérieurement, en toute hypothèse, à l’expiration du délai susrappelé ; qu’il joint toutefois à sa demande deux lettres de transmission du 3 mars 2014 à la présidente du conseil de Paris et une lettre du 9 septembre 2014 de ce dernier se présentant comme une saisine de l’Etat sur le fondement non du II mais du I de l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles ; que des pièces du dossier il ressort, en toute hypothèse, que la demande d’aide sociale sollicitée par l’UDAF de Paris dans la saisine en date du 19 novembre 2013 s’analysait bien, dans une interprétation, il est vrai, nécessairement peu évidente…, comme une demande de saisine de l’aide sociale au titre de l’Etat et qu’en toute hypothèse, le centre d’action sociale de la ville de Paris (CASVP) l’a interprétée comme telle et l’a transmise, comme il résulte de ce qui précède, à l’Etat ; que la demande d’aide sociale ainsi présentée a été reçue au plus tard le 11 décembre 2013 (cf. lettre du CASVP du 5 décembre 2013 reçue le 11 décembre 2013) par les services de l’Etat « veuillez trouver ci-joint la demande d’aide sociale concernant M. X… pour une admission au foyer d’accueil médicalisé » ; qu’ainsi, en transmettant le dossier au plus tôt le 3 mars 2014 à la présidente du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général qui l’a retourné, fût-ce inexactement en la forme d’une transmission au titre du I et non du II de l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles, le 9 septembre 2014, reçue le 10 septembre 2014, le préfet a excédé le délai qui lui était imparti pour transmettre, à titre préalable obligatoire, le dossier d’aide sociale à la présidente du conseil de Paris ; qu’alors même que cette dernière n’aurait pas elle-même respecté le délai imparti pour le retour du dossier, ce qui est sans conséquence sur la recevabilité de la requête contentieuse, et que le préfet a saisi la commission centrale d’aide sociale, dès le retour du dossier par lettre du 9 septembre 2014 reçue le 10 septembre 2014 dans ses services, par une requête en date du 19 septembre 2014 reçue le 25 septembre 2014 présentée à cet égard dans le délai courant de la notification du retour du dossier, ladite requête est irrecevable et les frais d’aide sociale exposés pour M. X… demeurent à la charge de l’Etat ;

Considérant qu’il y a lieu une nouvelle fois d’appeler l’attention des services de l’Etat et du département dans le département de Paris sur la nécessité de respecter les modalités de transmission du dossier préalables à la saisine de la commission centrale d’aide sociale et les délais respectivement prévus par l’article R. 131‑8 du code de l’action sociale et des familles, lorsque dans la jurisprudence de la présente commission non infirmée à ce jour sur saisine du Conseil d’Etat, ils présentent, comme il s’agit de celui fixé au II au préfet pour saisir le président du conseil départemental, un caractère impératif, faute de quoi, le juge ne peut qu’exercer son office dans des conditions qui, compte tenu de modalités de procédure administrative préalable précontentieuse non conformes au « scénario » prévu par les textes, demeurent entachées d’incertitude voire, en l’état des dossiers qui lui sont soumis, d’aléa,

Décide

Art. 1er. La requête présentée par le préfet de Paris est rejetée.

Art. 2. La présente décision sera notifiée au préfet de Paris, à la présidente du conseil de Paris. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet