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Dispositions communesà tous les types d'aide sociale

Détermination de la collectivité débitrice

Domicile de secours

Mots clés : Domicile de secours – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Hébergement – Droit d’asile – Recours – Recevabilité – Evaluation – Compétence – Procédure – Décision – Motivation

Dossier no 150406

M. X…

Séance du 8 septembre 2015

Décision lue en séance publique le 17 novembre 2015

Vu la requête en date du 8 octobre 2014 présentée par le Collectif C…, mandaté par M. X…, qui demande l’annulation de la décision en date du 11 septembre 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Moselle a jugé sans objet le recours dirigé contre les décisions en date des 30 juillet et 22 août 2013 du maire de Metz, rejetant sa demande d’hébergement au titre des articles L. 511‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles ;

Le Collectif C… soutient que l’article L. 511‑2 du code de l’action sociale et des familles ne prévoit aucune exception au droit d’hébergement au motif d’un état particulier tel que la nationalité ou le statut de demandeur d’asile ; que les dispositions de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2001, devenues l’article L. 511‑1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, reprennent celles du droit local d’Alsace-Moselle daté du 30 mai 1908, qui s’appliquaient quelque soit la nationalité du demandeur ;

Le Collectif C… estime :

 que la juridiction sociale est compétente pour se prononcer sur l’article L. 511‑2 du code de l’action sociale et des familles ;

 que la requête est recevable ;

que la commission départementale d’aide sociale de la Moselle n’a pas statué sur le fond du litige ;

 que le refus opposé par le maire de Metz est une violation de l’article L. 511‑2 du code de l’action sociale et des familles ; que, ce faisant, il a sciemment laissé à la rue durant dix à seize semaines des personnes qui lui demandaient l’hébergement ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mandat en date du 27 septembre 2014 de M. X… ;

Vu le mémoire en défense en date du 10 juillet 2015 du maire de Metz qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que le Collectif mosellan de lutte contre la misère n’a pas intérêt à agir, et que son recours est irrecevable ; que la situation des demandeurs d’asile relève de la compétence exclusive du préfet ;

Vu le mémoire en réplique en date du 13 août 2015 du Collectif C… qui développe ses précédentes conclusions, et indique qu’il agit en qualité de mandataire ;

Vu le second mémoire en défense en date du 3 septembre 2015 du maire de Metz qui développe ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 8 septembre 2015, M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile : « Aux fins de la présente directive, on entend par : (…) “Conditions matérielles d’accueil” : les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière… » ; qu’aux termes de son article 13 : « (…) 2. Les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs. (…) 5. Les conditions d’accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les Etats membres remplissent les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, l’importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. » ; qu’aux termes de l’article 14 : « Pour les conditions matérielles d’accueil, les Etats membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque :  une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise,  les conditions matérielles d’accueil prévues dans le présent article n’existent pas dans une certaine zone géographique,  les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées,  le demandeur d’asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu’il ne peut quitter. Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 134‑4 du code de l’action sociale et des familles : « Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil départemental, le représentant de l’Etat dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 511‑9 du même code : « Les décisions individuelles d’attribution ou de refus d’attribution d’une aide, prises en application du présent chapitre, peuvent faire l’objet de recours contentieux dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III du livre Ier (…) » ;

Considérant qu’aux termes l’article L. 511‑2 du même code : « Toute personne dénuée de ressources et âgée de plus de seize ans doit recevoir de la commune dans laquelle elle se trouve un abri, l’entretien indispensable, les soins et prescriptions nécessaires en cas de maladie ainsi que des funérailles décentes. L’aide est accordée sans préjudice du droit de réclamer le remboursement des frais à la commune dans laquelle la personne dénuée de ressources a son domicile de secours communal » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 348‑2 du code de l’action sociale et des familles : « I.-Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social et administratif des demandeurs d’asile en possession de l’un des documents de séjour mentionnés à l’article L. 742‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pendant la durée d’instruction de leur demande d’asile. Cette mission prend fin à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile. Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles les personnes s’étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile à titre exceptionnel et temporaire. II.-Les conditions de fonctionnement et de financement des centres d’accueil pour demandeurs d’asile sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Ce décret précise notamment les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d’hébergement, de restauration et d’entretien » ;

Considérant qu’aux termes l’article R. 348‑2 du même code : « Pour l’application du I de l’article L. 348‑3, l’autorité administrative compétente de l’Etat est le préfet du département du lieu d’implantation du centre d’accueil pour demandeurs d’asile, compétent pour l’admission à l’aide sociale. La décision d’admission dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile est prise par le gestionnaire de ce centre. Si ce centre est situé dans le département dans lequel le demandeur d’asile a été admis au séjour, et a été mentionné par le préfet au titre de l’information fournie en vertu du deuxième alinéa de l’article R. 348‑1, l’accord du préfet sur l’admission envisagée par le gestionnaire est réputé acquis. Dans toute autre hypothèse, l’admission doit recueillir l’accord du préfet mentionné au premier alinéa du présent article. A cette fin, le gestionnaire du centre saisit le préfet sans délai. L’accord du préfet est réputé acquis lorsque le préfet n’a pas fait connaître au gestionnaire sa réponse dans un délai de quinze jours à compter de la saisine » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi no 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé. Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’autorité initialement saisie. Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite d’acceptation ne court qu’à compter de la date de réception de la demande par l’autorité compétente. Dans tous les cas, l’accusé de réception est délivré par l’autorité compétente » ;

Considérant que le recours du Collectif C…, agissant sur mandat de M. X…, est recevable ;

Considérant que M. X…, demandeur d’asile, a sollicité du maire de Metz un hébergement d’urgence le 12 juillet 2013 ; que, par courriers en date des 30 juillet et 22 août 2013, celui-ci a rejeté cette demande ; que le Collectif C… a saisi la commission départementale d’aide sociale de la Moselle, qui, par décision en date du 11 septembre 2014, a jugé le recours sans objet au motif que les interéssés « sont pris en charge depuis le 16 octobre 2013 au titre de l’hebergement ainsi que pour leur accompagnement social dans le cadre du dispositif 115/SIAO » ; que cette décision, d’une part est entachée d’un défaut de motivation, et d’autre part ne répond pas à l’ensemble des conclusions de la requête ; qu’elle doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 511‑9 et L. 134‑4 du code de l’action sociale et des familles, que le contentieux des aides définies à l’article L. 511‑2 dudit code est de la compétence des juridictions de l’aide sociale ;

Considérant que, s’il résulte des dispositions de l’article R. 348‑2 du code de l’action sociale et des familles, que l’accueil des demandeurs d’asile en centres d’accueil pour demandeurs d’asile relève de la compétence des préfets, ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 511‑9 du code de l’action sociale et des familles ; qu’ainsi, le maire de Metz ne pouvait, comme il l’a fait, opposer à la demande de M. X… un refus pur et simple ; qu’à la réception de la demande d’aide formulée par M. X…, il devait, à tout le moins, en vertu des dispositions de l’article 20 de la loi no 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, transmettre celle-ci au préfet ; qu’il suit de là que les décisions du maire de Metz en date des 30 juillet et 22 août 2013 doivent être annulées ;

Considérant que M. X… ayant été hébergé à compter du 17 octobre 2013, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’hébergement à compter de cette date ; que si le requérant entendait, en se prévalant notamment de la présente décision, engager la responsabilité de la mairie de Metz du fait du retard apporté à sa demande d’hébergement, il lui appartiendrait de saisir la juridiction administrative de droit commun, seule compétente,

Décide

Art. 1er.  La décision en date du 11 septembre 2014 de la commission départementale d’aide socialede la Moselle, ensemble les décisions en date des 30 juillet et 22 août 2013 du maire de Metz, sont annulées.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée au Collectif C…, à M. X…, au maire de Metz. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 septembre 2015 où siégeaient M. BELORGEY, Président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 17 novembre 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet