3200

Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ressources – Foyer – Fraude – Prescription – Précarité

Dossier no 140080

Mme X…

Séance du 22 mai 2015

Décision lue en séance publique le 3 juillet 2015

Vu le recours formé le 7 janvier 2014 par Mme X… à l’encontre de la décision en date du 16 décembre 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général du Bas-Rhin en date du 23 mai 2011, refusant de lui accorder toute remise gracieuse sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 6 038,45 euros décompté au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008, pour non-déclaration de ses activités salariées, de celles de son enfant E…, et des revenus perçus à ce titre ;

Mme X… affirme ne pas avoir déclaré les revenus perçus par son fils au cours de la période litigieuse car ce dernier ne vivait pas au domicile familial ; elle précise que, bien que son fils reçût une partie de ses courriers à l’adresse familiale, il ne participait nullement aux besoins quotidiens du foyer ni au paiement des diverses charges ; qu’en raison de sa faible maîtrise de la langue française, elle reconnaît avoir sûrement commis des erreurs en remplissant ses déclarations auprès de la caisse d’allocations familiales ; elle ne conteste ni l’indu ni son montant mais invoque une situation d’extrême précarité, ne percevant que le revenu de solidarité active, et sollicite une remise au moins partielle de sa dette ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le mémoire en défense et les pièces du président du conseil général du Bas-Rhin en date du 3 juin 2014 qui conclut au rejet de la requête ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 22 mai 2015, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant d’une part qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;

Considérant d’autre part, qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;

Considérant que Mme X… est bénéficiaire du droit au revenu minimum d’insertion depuis octobre 2007 au titre d’une personne isolée, avec un enfant à charge né en 1988, sans activité professionnelle ni droits ASSEDIC depuis le 21 septembre 2007, et ne percevant aucun revenu ; que, comme suite à un rapport d’enquête administrative sur la situation et les ressources de l’allocataire en date du 28 novembre 2008, il est apparu que celle-ci avait omis de déclarer plusieurs activités salariées exercées par elle et son fils, ainsi que les revenus correspondants au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 ; qu’il suit de là qu’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 6 038,45 euros a été assigné à l’intéressée par une notification de droits et paiements de la caisse d’allocations familiales en date du 24 décembre 2008 ; que, par une décision en date du 23 mai 2011, le président du conseil général du Bas-Rhin a rejeté la demande de remise gracieuse déposée le 16 mai 2011 par Mme X… au motif qu’elle « a omis de déclarer la totalité de ses revenus depuis 2006 ainsi que les revenus de son enfant né le 1er mai 1988 », et a également déposé plainte avec constitution de partie civile le 23 mai 2011 au chef de « déclaration mensongère à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu, faits commis du 1er novembre 2007 au 1er septembre 2008 dans le Bas-Rhin » ; que, par un courrier en date du 27 juin 2011 adressé à la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin, Mme X… a formé un recours contre la décision du président du conseil général lui refusant toute remise gracieuse, faisant valoir que sa situation financière ne lui permettait pas de rembourser le trop-perçu car elle ne disposait pour toute ressource que du revenu de solidarité active ; qu’elle indiquait avoir également plusieurs dettes à s’acquitter ; qu’elle affirmait n’avoir voulu frauder à aucun moment ; que des prélèvements étaient effectués sur ses prestations sociales en vue du remboursement de l’indu ; que, par un jugement correctionnel en date du 22 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Strasbourg a constaté la prescription des faits reprochés à l’allocataire et déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil général ; que, par une décision en date du 16 décembre 2013, la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin a rejeté, à son tour, la demande d’exonération de la requérante au motif que « le caractère frauduleux de l’indu ne permet pas à la commission d’accorder une remise gracieuse de la dette » ;

Considérant que, si l’indu est fondé dans son principe, le dossier ne comporte aucune précision sur les modalités de son calcul permettant de s’assurer qu’elles ont été conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu’en outre, Mme X… fait valoir qu’elle a, certes, effectué des omissions déclaratives, mais qu’elle n’a jamais été animée d’intentions frauduleuses comme le soutient le président du conseil général du Bas-Rhin, qui ne rapporte pas la preuve, comme il en a la charge, de l’intention délibérée de la requérante de percevoir indûment l’allocation de revenu minimum d’insertion ; que Mme X… fait face à de lourdes difficultés financières qui font obstacle au remboursement intégral de la dette ; qu’elle affirme ne percevoir que le revenu de solidarité active ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en limitant l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 6 038,45 euros porté à son débit à la somme de 1 000 euros ; qu’il lui est, en outre, loisible de demander un échelonnement du remboursement de la dette auprès des services du payeur départemental ;

Considérant enfin, que les sommes prélevées en vue du remboursement de l’indu au mépris des dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles susvisé, viendront en déduction du reliquat d’indu de 1 000 euros dont Mme X… est finalement redevable,

Décide

Art. 1er. La décision de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin en date du 16 décembre 2013, ensemble la décision du 23 mai 2011 du président du conseil général du Bas-Rhin, sont annulées.

Art. 2. La répétition de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 6 038,45 euros mis à la charge de Mme X… est limitée à 1 000 euros.

Art. 3. Les sommes illégalement prélevées viendront en déduction du reliquat d’indu de 1 000 euros dont Mme X… est finalement redevable.

Art. 4. Le surplus des conclusions de Mme X… est rejeté.

Art. 5. La présente décision sera notifiée à Mme X… et au président du conseil départemental du Bas-Rhin. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 mai 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 3 juillet 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet