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Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ressources – Foyer – Déclaration – Prescription – Compétence juridictionnelle – Modalités de calcul – Précarité

Dossier no 140230

Mme X…

Séance du 26 juin 2015

Décision lue en séance publique le 4 septembre 2015

Vu le recours formé le 23 janvier 2014 par Mme X… à l’encontre de la décision en date du 28 octobre 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 30 décembre 2008, ne figurant pas au dossier, refusant de lui accorder toute remise gracieuse sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 45 223,11 euros, décompté au titre de la période du 1er juin 2003 au 31 mars 2008, au motif qu’elle n’a déclaré ni les ressources perçues par son foyer, ni la réalité de sa situation familiale ;

Mme X… affirme qu’elle était effectivement séparée de fait de son mari au titre de la période de décembre 2003 à 2009, mais précise qu’elle n’avait pas engagé une procédure de divorce ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le mémoire en défense et les pièces du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 25 août 2014 qui conclut au rejet de la requête ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 26 juin 2015, Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant d’une part qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (…) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (…) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (…) » ;

Considérant d’autre part qu’il ressort des dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles que, dès qu’une demande de remise de dette est déposée et qu’un contentieux se développe, le recours est suspensif et le recouvrement doit être suspendu jusqu’à l’épuisement de la procédure devant les juridictions du fond ; que tout prélèvement pour répétition de l’indu revêt un caractère illégal ;

Considérant que Mme X… est bénéficiaire du revenu minimum d’insertion depuis avril 1998 au titre d’une personne mariée depuis le 23 mars 1995, avec cinq enfants à charge nés en 1983, 1984, 1986, 1990 et 1995, sans activité professionnelle et ne percevant aucun revenu ; que, comme suite à un rapport d’enquête administrative sur la situation personnelle et financière de l’allocataire en date du 3 décembre 2007, il est apparu que celle-ci n’avait mentionné dans ses déclarations trimestrielles de ressources ni que son enfant E… était salarié depuis le 1er mai 2004 et son enfant F… depuis le 12 septembre 2005, ni que son couple n’avait jamais en fait été séparé (avis d’imposition de 2004 à 2008 établis aux deux noms ; demande conjointe de la couverture maladie universelle le 28 septembre 2007), alors qu’elle était connue séparée depuis le 1er décembre 2003 avec cinq enfants à charge, ni que son mari percevait une pension d’invalidité depuis 1996 ; que, par une décision en date du 25 juin 2008, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a radié l’intéressée du dispositif du revenu minimum d’insertion à compter du 1er janvier 1999 ; qu’il suit de là que la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a assigné, le 9 juillet 2008, à l’allocataire un indu de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 63 109,43 euros au titre de la période du 1er janvier 1999 au 30 avril 2008 ; que, par application de la législation fixant l’action en recouvrement à cinq ans à compter de la connaissance des faits, les créances contractées avant 2003 ont été annulées ; que le montant total de l’indu porté au débit de la requérante a été calculé à hauteur de 45 223,11 euros au titre de la période du 1er juin 2003 au 31 mars 2008 ; que, saisie d’un recours contre une décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 30 décembre 2008, ne figurant pas au dossier, et refusant à Mme X… une remise de l’indu litigieux, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, par une décision en date du 28 octobre 2013, l’a rejeté au motif du bien-fondé de l’indu ;

Considérant que, pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure de remise gracieuse des dettes résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général pour accorder ou refuser la remise gracieuse d’une dette, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressée d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône s’est bornée à mentionner que Mme X… n’avait pas déclaré toutes les ressources de son foyer, et ne s’est pas interrogée sur la question de savoir si la situation de précarité de l’allocataire justifiait qu’il lui soit accordé une remise de dette ; qu’il en résulte qu’elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de Mme X… ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’enfant E… aurait exercé des activités salariées de 2003 à 2007, lui procurant des revenus annuels de 2 800 euros en 2003, 1 071 euros en 2004, 6 469 euros en 2005, 13 214 euros en 2006, et 139 euros en 2007 ; qu’également, l’enfant F… aurait perçu des revenus salariés annuels de 5 418 euros en 2005 et 14 068 euros en 2006 ; qu’en outre, une pension d’invalidité d’un montant de 1 596,01 euros a été versée à M. X… au titre de la période du 1er septembre au 30 novembre 2007 ; qu’en revanche, les avis d’impôt sur le revenu de 2004 à 2008, adressés à « M. ou Mme X… » indiquent des revenus imposables de 7 124 euros en 2004, 7 209 euros en 2005, 8 613 euros en 2006, 8 806 euros en 2007 et 8 943 euros en 2008 ; que l’attestation de droits établie par le directeur de la caisse d’allocations familiales de Marseille en date du 2 décembre 2010 révèle qu’au titre de la période de juin 2003 à mars 2008, Mme X… n’a pas bénéficié du revenu minimum d’insertion entre le 1er janvier et le 30 mars 2004, ni entre le 1er juillet 2006 et le 1er juillet 2007 ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, si l’indu peut être regardé comme au moins partiellement fondé en droit, son calcul semble disproportionné par rapport aux allocations de revenu minimum d’insertion et ressources effectivement perçues par le foyer de Mme X… au titre de la période litigieuse ; que le dossier ne comporte aucune précision sur les modalités de son calcul permettant de s’assurer qu’elles ont été conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu’il n’est pas établi que les insuffisances de déclaration de la requérante auraient résulté d’une intention frauduleuse ; qu’en toute hypothèse, la quasi-totalité de l’indu litigieux porte soit sur une période antérieure à l’intervention de la loi du 23 mars 2006 prohibant toute remise de dette en cas de fraude, soit sur une période au titre de laquelle la requérante ne percevait pas le revenu minimum d’insertion ; que de surcroît, Mme X… est confrontée à une situation de précarité avec huit enfants à charge aujourd’hui ; que par conséquent, elle doit être intégralement déchargée de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion porté à son débit ;

Considérant en outre, qu’il résulte du dossier que, nonobstant le caractère suspensif, conformément aux dispositions de l’article L. 262‑42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, du recours formé par Mme X…, il a été procédé sur ses prestations sociales à des prélèvements en vue du remboursement de l’indu ; que, par suite, il y a lieu de procéder au remboursement intégral des montants qui auraient été illégalement récupérés,

Décide

Art. 1er. La décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 28 octobre 2013, ensemble la décision du 30 décembre 2008 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, ne figurant pas au dossier, sont annulées.

Art. 2. Mme X… est intégralement déchargée de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 45 223,11 euros qui lui a été assigné.

Art. 3. Il est enjoint au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône de procéder au remboursement intégral des prélèvements qui auraient été illégalement opérés.

Art. 4. La présente décision sera notifiée à Mme X… et au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 juin 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. CULAUD, assesseur, Mme DIALLO, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 4 septembre 2015.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet