3410

Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Allocation compensatrice tierce personne (ACTP)

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Prestation de compensation du handicap – Répétition de l’indu – Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) – Majoration pour tierce personne – Cumul de prestations – Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) – Prescription – Erreur – Conseil d’Etat – Recours – Recevabilité – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150016

M. X…

Séance du 16 octobre 2015

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures

Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 17 octobre 2014, l’appel introduit par M. X…, demeurant dans l’Ain, tendant à l’annulation de la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Ain a confirmé celle du 26 mars 2013 du président du conseil général de l’Ain d’engager contre l’intéressé une action en répétition d’un indu de 20 222,85 euros résultant du cumul de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) versée par le département et de la majoration pour tierce personne (MTP) allouée par la sécurité sociale, durant la période du 14 avril 2011 au 31 mars 2013, et ce par les moyens qu’il ne peut rembourser la somme en cause, dès lors qu’il doit acquitter chaque mois une pension alimentaire en faveur de ses enfants mineurs, domiciliés dans le midi de la France chez leur mère dont il est séparé, et faire face aux frais de déplacement qu’entraîne, dans de telles conditions, l’exercice de son droit de visite desdits enfants ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 1er avril 2015, le mémoire en défense par lequel le président du conseil général de l’Ain demande à la juridiction de confirmer la décision de la commission départementale d’aide sociale, aux motifs que le juge de l’aide sociale n’est pas compétent pour « statuer sur une demande de remise ou de modération de la créance d’aide sociale », ni examiner « une action en réparation des fautes commises par les services de l’aide sociale » ;

Vu, enregistré le 21 septembre 2015, le mémoire de M. X… persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les pièces fournies par M. X… le 6 octobre 2015 en réponse au supplément d’instruction de la commission centrale d’aide sociale du 24 septembre 2015 ;

Vu la réponse du président du conseil départemental de l’Ain au même supplément d’instruction d’où il résulte que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de l’Ain a été informée le 9 février 2012 en rappelant, toutefois, qu’il serait de « jurisprudence constante (…) » de la commission centrale d’aide sociale du 24 janvier 2011 département des Vosges « que la répétition des indus peut procéder à une erreur imputable à l’administration » ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 octobre 2015, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’ancien article L. 245‑7 du code de l’action sociale et des familles : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation compensatrice se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par le président du conseil général en recouvrement des allocations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration. » et qu’à ceux de l’ancien article R. 245‑20 du même code : « L’allocation compensatrice se cumule s’il y a lieu (…) avec tout avantage lié à l’invalidité à l’exception des avantages analogues ayant le même objet que l’allocation compensatrice » ;

Considérant que par décision du 26 mars 2013, le président du conseil général de l’Ain a répété les arrérages antérieurement versés de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) dont bénéficiait M. X… pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 ; que cette répétition qui ne remontait pas au-delà du délai biennal de prescription prévu par les dispositions précitées était possible même si, ce qui n’est pas contesté, M. X… était de bonne foi ;

Considérant que la demande à la commission départementale d’aide sociale contestant la décision du 26 mars 2013 a été formée sans qu’ait été préalablement formulé un recours administratif préalable qui aurait pu comporter une demande de remise gracieuse ;

Considérant que M. X… conteste, non la légalité ou le quantum de l’allocation répétée, mais formule une demande de remise ou de modération sous réserve de ce que, par un moyen « contentieux », il se prévaut de la faute commise par l’administration répétant tardivement un indu qu’elle a laissé se poursuivre, nonobstant l’information qui lui avait été donnée après le versement par la caisse primaire d’assurance maladie de la majoration de la pension d’invalidité de M. X… ;

Considérant que, telles qu’elles sont formulées, la demande et la requête doivent s’analyser comme comportant d’une part, des conclusions et des moyens aux fins de remise ou de modération gracieuses, d’autre part, ainsi que le relève avec exactitude le mémoire en défense un moyen (mais non des conclusions !…) de nature « contentieuse » tiré de ce que la constitution de l’indu est exclusivement imputable à la faute de l’administration qui a continué jusqu’à l’instruction du dossier de renouvellement de l’allocation et à la décision de renouvellement intervenue deux ans plus tard de verser l’allocation sans tenir compte du versement de la majoration par la caisse alors qu’elle en avait été informée ;

Considérant que pour l’information, sinon du requérant, s’agissant de notions abstraites difficiles à expliciter utilement, mais à tout le moins du service, il y a lieu de constater qu’à la date de la présente décision la « problématique » du présent litige n’est plus celle exactement décrite par l’administration au regard de la jurisprudence antérieure de la commission centrale d’aide sociale, mais celle procédant de la décision du Conseil d’Etat du 1er juin 2015 Mme L…, dont il résulte que le juge de la répétition peut et doit, voire même d’office, examiner les moyens, non seulement contentieux, mais encore gracieux dirigés contre la décision de répétition devant le juge de l’aide sociale à la condition, toutefois, que l’administration ait été antérieurement saisie d’une demande de remise gracieuse ; que, compte tenu du contexte particulier des faits ayant donné lieu à la décision du 1er juin 2015, la présente formation a depuis lors admis qu’une telle demande pouvait être valablement formulée dans le recours administratif préalable (dit pour simplifier les choses également « gracieux ») formulé contre la décision de répétition antérieurement à la saisine du juge et que, dans cette mesure, d’une part le président du conseil général devait soumettre le recours administratif préalable au Conseil général tout en statuant sur les moyens contentieux s’il en comportait, d’autre part que s’il statuait incompétemment à titre gracieux en méconnaissance de la compétence exclusive de l’instance délibérante, il n’y avait pas lieu, néanmoins, pour le juge d’en tirer les conséquences, ce juge se bornant à statuer sur les droits de l’assisté et, le cas échéant, sur la remise ou la modération ;

Considérant en ce qui concerne la demande de remise gracieuse  et les moyens en procédant  présentés, en l’espèce, directement par M. X… à la commission départementale d’aide sociale de l’Ain dans sa demande dirigée contre la décision de répétition, que cette demande et ces moyens ne sont pas recevables, dès lors qu’il ressort du dossier que M. X… n’a ni antérieurement ou parallèlement à son recours préalable, ni même (ce qu’admet dorénavant la commission centrale d’aide sociale sauf décision à venir contraire de la juridiction régulatrice) dans le cadre du recours administratif préalable formé contre la décision de répétition du 26 mars 2013, formulé une demande gracieuse ; que par suite, les conclusions aux fins de remise ou de modération et les moyens de nature « gracieuse » formulés par M. X… dans sa demande de première instance et dans sa requête d’appel, sont irrecevables ;

Considérant toutefois, que, comme il a été relevé ci-dessus, l’un des moyens peut être regardé comme présentant également le caractère d’un moyen de nature contentieuse formulé à l’appui d’une demande dans cette mesure contentieuse dirigée devant la commission départementale d’aide sociale contre la décision de répétition, sans qu’ait été formulé un recours administratif préalable ; qu’on peut relever à cet égard que le moyen tiré de ce que la répétition procède en tout ou partie de la faute constituée par le retard de l’administration à y procéder alors qu’elle était informée par l’assisté lui-même de bonne foi ou autrement présente le caractère d’un moyen « Janus » en ce sens qu’il peut être formulé tant à l’appui de la demande de remise ou de modération, qu’à titre contentieux ;

Considérant que, comme le relève à bon droit l’administration dans son mémoire en défense, la jurisprudence du Conseil d’Etat, telle qu’elle est fixée dans la décision du 17 mars 1993 dont elle se prévaut (intervenue en matière de récupération et non de répétition), confirmée au demeurant par des décisions ultérieures et appliquée par la commission centrale d’aide sociale jusqu’à la décision du 12 décembre 2014, M. J… contre département de l’Ain, est en ce sens que, non seulement le juge administratif spécialisé de l’aide sociale n’est pas compétent pour connaitre d’une action en responsabilité quasi délictuelle dirigée contre l’administration à raison de ses fautes ayant engendré la répétition et le préjudice subi par l’assisté du fait de celles-ci, mais encore le moyen tiré de ce que la répétition est due, exclusivement ou pour partie, au retard fautif de l’administration informée de la perception de l’avantage analogue à poursuivre le versement de l’avantage devenu indu ne pouvait être invoqué devant le juge de l’aide sociale à l’appui des conclusions mêmes dirigées contre la décision de répétition, mais ne pouvait l’être qu’à l’appui de conclusions en responsabilité quasi délictuelle, faisant l’objet d’une instance distincte devant le juge administratif de droit commun, seul compétent pour en connaitre ;

Considérant toutefois que, comme l’administration ne peut l’ignorer, la présente formation a, dans sa décision précitée, modifié sa jurisprudence en considérant dorénavant que la seule circonstance que le juge de la légalité de la décision de répétition soit une juridiction spécialisée distincte du tribunal administratif et qu’ainsi, l’action éventuelle en responsabilité quasi délictuelle et l’examen du moyen tiré, à l’appui des conclusions dirigées contre la décision de répétition, du retard fautif de l’administration ne relèvent pas de la même juridiction administrative, n’était pas de nature à justifier une solution différente de celle dorénavant retenue par le Conseil d’Etat lorsque l’examen respectif des conclusions aux fins de l’infirmation de la décision de répétition (ou du titre de perception) et des conclusions en responsabilité quasi délictuelle, relevaient toutes deux de la juridiction administrative de droit commun ; qu’il est rappelé, comme l’a explicité la décision J… que ce changement de jurisprudence est motivé à la fois par l’opportunité évidente d’aligner la solution de fond retenue par la cour de cassation et celle retenue par le juge administratif, comme par la position selon laquelle dorénavant la seule dualité de juridictions administratives  de droit commun et spécialisée  respectivement compétentes ne justifie pas une solution différente, de même, toutes choses  même juridiquement ?…  égales, qu’il n’existe pas en matière d’appréciation de la légalité de question préjudicielle entre juridictions administratives ; que le pourvoi formé par le département de l’Ain contre la décision du 12 décembre 2014 a été admis pour faire l’objet d’une instruction devant le Conseil d’Etat ; que toutefois, jusqu’à la décision à intervenir de celui-ci, la présente formation maintiendra sa jurisprudence ; qu’ainsi, il y a lieu pour elle, contrairement à ce que soutient l’administration, d’examiner non pas, comme elle le formule, le « recours contentieux » (mémoire en défense page 5, paragraphe 8), mais bien le « moyen contentieux » tiré de la faute de l’administration (mémoire en défense page 2, paragraphe 10), l’administration ayant, ce qui est du reste tout à fait compréhensible compte tenu des ambiguïtés des relations juridiques dans le « triptyque » légalité, bien fondé sur le plan gracieux et responsabilité, du mal à distinguer conclusions  recours ») et « moyens » ; qu’il suit de là que s’agissant, non d’une « action en réparation » (même mémoire, même page, paragraphe 10, ligne 2), mais d’une action aux fins d’infirmation de la décision même de répétition en tant qu’elle est fondée sur le moyen tiré de l’imputabilité de la répétition au seul retard fautif de l’administration, ce dernier moyen a bien lieu d’être examiné ;

Considérant que M. X… soutient que « lorsque le taux de la pension invalidité est passé à 80 %, j’ai rempli une déclaration pour en avertir l’ACTP et cet organisme a continué à me verser celle-ci » ;

Considérant qu’il résulte de la réponse en date du 8 octobre 2015, enregistrée le 9 octobre 2015, du président du conseil départemental de l’Ain au supplément d’instruction diligenté par la commission centrale d’aide sociale le 24 septembre 2015, que M. X… a informé, le 9 février 2012, le conseil général « maison départementale de la solidarité Côtière-Val de Saône » (que ce service soit un de ceux du département ou de la MDPH, dont le fonctionnement était dans le département de l’Ain étroitement intriqué avec celui du département…) de la perception de la MTP que lui versait la sécurité sociale ; que dans les circonstances de l’espèce, cette information est regardée, ce qui n’est du reste nullement contesté, comme opposable au président du conseil départemental ; que ce n’est toutefois que le 26 mars 2013 qu’a été répété l’indu du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 ; qu’un retard supérieur à six mois pour tirer les conséquences de l’information donnée présente un caractère fautif en tant qu’il n’a pas été donné suite à cette information dans un délai raisonnable en mettant fin au versement des arrérages ; qu’ainsi, l’apparition de l’indu répété peut être regardée en l’espèce comme procédant de la faute invoquée par M. X… à concurrence d’un tiers de cet indu ; qu’en conséquence, la répétition litigieuse sera limitée (arrondi) à 13 882 euros ;

Considérant, il est vrai, que, dans sa réponse au supplément d’instruction susrappelée, le président du conseil départemental indique « malgré ces considérations factuelles, il est de jurisprudence constante que la répétition des indus peut procéder à une erreur imputable à l’administration (CCAS 24 janvier 2011 Département des Vosges) » ; que la jurisprudence invoquée (que la présente formation ne renie d’ailleurs pas…) s’est ultérieurement révélée contraire à celle tant de la cour de cassation que, en toute hypothèse, du Conseil d’Etat qui n’autorise le dépassement du délai biennal de répétition, même lorsque l’administration a été informée tardivement du double versement, qu’en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration ; que d’ailleurs, la décision citée de la commission centrale d’aide sociale n’aurait pas été applicable en l’espèce puisque le département des Vosges avait répété l’indu dans les jours suivants immédiatement la date de son information du double versement par la caisse d’assurance maladie, ce qui, comme il résulte de ce qui précède, n’est pas la situation de l’espèce ;

Considérant qu’il y a lieu d’ajouter, qu’en tant que la présente décision écarte le surplus des conclusions de M. X… sur le plan « gracieux », elle considère qu’il n’est pas interdit à celui-ci pour autant de saisir, à hauteur de la somme dont il n’est pas déchargé par la présente décision, le conseil départemental de l’Ain afin que sa demande soit examinée sur le plan « gracieux » puis, le cas échéant, par la juridiction compétente pour connaitre d’un refus du conseil départemental, cette position étant prise, toutefois, en l’état de la compréhension qu’il est possible d’avoir de l’ensemble des incidences de la décision Mme L… du 1er juin 2015, en tant qu’elle exige, pour statuer sur une demande et des moyens gracieux dans le cadre d’une instance mettant en cause la légalité de la répétition, qu’une demande préalable ait été formulée à l’administration ; que la présente formation considère en effet qu’il n’est pas souhaitable que l’irrecevabilité opposée dans le cadre de la contestation de la décision du président du conseil départemental, interdise ultérieurement audit conseil de statuer, comme il lui revient seul de le faire, sur des demandes de remise ou de modération qui viendraient à lui être présentées, mais que, toutefois, dans la présente instance, la demande et les moyens de caractère gracieux de M. X… présentés directement au juge sans saisine préalable de l’administration ne sont, en l’état, pas recevables en la présente instance,

Décide

Art. 1er.  La répétition décidée par le président du conseil général de l’Ain dans sa décision du 26 mars 2013 est ramenée à 13 882 euros.

Art. 2.  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain en date du 3 juillet 2014 et la décision du président du conseil général de l’Ain en date du 26 mars 2013 sont réformées, en ce qu’elles ont de contraire à l’article 1er.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête de M. X… est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à M. X…, au président du conseil départemental de l’Ain. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de l’Ain et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 13 novembre 2015 à 13 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet