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Procédure dans le contentieux de l'aide sociale

Moyens du recours

Mots clés : Procédure dans le contentieux de l’aide sociale – Moyens du recours – Recours en récupération – Récupération sur succession – Question prioritaire de constitutionnalité – Conseil constitutionnel

Conseil d’Etat statuant au contentieux

Dossier no 400336

Mme A…

Lecture du 27 juillet 2016

Vu la procédure suivante :

Mme C…, à l’appui de sa demande tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris du 6 décembre 2013 rejetant son recours dirigé contre la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a prononcé la récupération, sur la succession de Mme A…, sa sœur handicapée décédée le 16 janvier 2011, des prestations d’aide sociale accordées à cette dernière du 1er décembre 1998 au 16 janvier 2011, a produit un mémoire, enregistré le 19 avril 2016 au greffe de la commission centrale d’aide sociale, en application de l’article 23‑1 de l’ordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité ;

Par une décision no 140323 du 25 mai 2016, enregistrée le 2 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commission centrale d’aide sociale, avant qu’il soit statué sur la demande de Mme C…, a décidé, par application des dispositions de l’article 23‑2 de l’ordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 132‑8 et L. 344‑5 du code de l’action sociale et des familles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

la Constitution, notamment son Préambule et son article 61‑1 ;

l’ordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958 ;

le code de l’action sociale et des familles, notamment ses articles L. 132‑8 et L. 344‑5 ;

la loi no 2001‑647 du 20 juillet 2001 ;

la loi no 2005‑102 du 11 février 2005 ;

la loi no 2015‑1776 du 28 décembre 2015 ;

le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

le rapport de M. Yannick Faure, auditeur ;

les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme C… ;

1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 23‑4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23‑2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, antérieure à l’intervention de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 344‑5 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, antérieure à l’intervention de la loi précitée du 28 décembre 2015 : « Les frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l’article L. 312‑1, à l’exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l’article L. 344‑1, sont à la charge : 1o A titre principal, de l’intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes, différent selon qu’il travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l’article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de l’article 199 septies du même code ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de l’aide sociale sans qu’il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard de l’intéressé, et sans qu’il y ait lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire ni sur le donataire. Les sommes versées, au titre de l’aide sociale dans ce cadre, ne font pas l’objet d’un recouvrement à l’encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune » ;

4. Considérant, en outre, que l’article L. 344‑5-1 du code de l’action sociale et des familles étend, sous certaines conditions, le bénéfice des dispositions de l’article L. 344‑5 à l’accueil des personnes handicapées dans un établissement ou service mentionné au 6o du I de l’article L. 312‑1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée ; qu’enfin, l’article L. 241‑4 du même code limite l’exercice du recours en récupération pour l’ensemble des dépenses d’aide sociale exposées en vertu du titre IV du livre II du même code ;

5. Considérant que les dispositions des articles L. 132‑8 et L. 344‑5 du code de l’action sociale et des familles sont applicables au litige dont est saisi la commission centrale d’aide sociale ; qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que le troisième alinéa de l’article L. 344‑5 du code de l’action sociale et des familles exclut l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale pour certains seulement des héritiers du bénéficiaire décédé, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée,

Décide

Art. 1er La question de la conformité à la Constitution des articles L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi no 2001‑647 du 20 juillet 2001, et L. 344‑5 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi no 2005‑102 du 11 février 2005, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme C…, au département de Paris et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre, à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes et à la commission centrale d’aide sociale.