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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Actif successoral – Précarité – Compétence juridictionnelle

Dossier no 140408

Mme Y…

Séance du 15 décembre 2015

Décision lue en séance publique le 16 mars 2016

Vu le recours formé en date du 1er août 2014 par Mme X…, tendant à l’annulation de la décision en date du 1er juillet 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Nord a confirmé la décision en date du 22 juin 2006 par laquelle le président du conseil général du Nord a engagé la récupération des frais d’hébergement de Mme Y…, tante de la requérante, accueillie au sein de la maison de retraite « R… » dans le Nord pendant la période du 1er janvier 2002 au 6 septembre 2004, date du décès de la bénéficiaire, le montant total de la créance s’élevant à 15 189, 55 euros et le montant récupérable sur les héritiers s’élevant à environ 10 878,52 euros ;

La requérante soutient qu’elle est dans l’incapacité de régler la somme qui lui a été réclamée au titre de sa quote-part, qu’elle a hérité de sa tante il y a plus de huit ans d’un montant de 1641,09 euros, qu’en effet le seul revenu qu’elle perçoit est sa pension d’invalidité d’un montant de 1 300 euros par mois, qu’elle a un loyer à payer de 710 euros par mois, qu’elle a un taux d’invalidité de 50 %, une fille handicapée à plus de 80 %, hospitalisée en clinique psychiatrique depuis quinze ans à qui elle rend visite autant que ses revenus lui permettent, qu’il lui est donc impossible de rembourser cette somme sous peine de ne plus être en mesure de rendre visite à sa fille, qu’elle doit par ailleurs faire face à des frais de santé importants, notamment à cause de deux accidents vasculaires cérébraux qu’elle a subi ces trois dernières années, elle sollicite ainsi une annulation de la dette ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 15 décembre, Mme X…, requérante, et Mme Laurène DERVIEU, rapporteure et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes du 1o de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (…) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (…) » ;

Considérant qu’aux termes du 4e alinéa de l’article R. 132‑11 dudit code, le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer ; que le président du conseil général du Nord, par une décision du 22 juin 2006, a décidé de récupérer la somme de 15 189,55 euros représentant les frais avancés au titre de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement de Mme Y… du 1er janvier 2002 au 6 septembre 2004, date du décès de la bénéficiaire et ce dans la limite du montant de l’actif net successoral, soit en l’espèce, 10 878,52 euros, les héritiers étaient tenus à proportion de leurs parts d’héritage respectives, soit 1 641,09 euros s’agissant de la requérante ;

Considérant que si, comme l’a justement souligné la commission départementale d’aide sociale du nord, l’aide sociale a pour caractéristique d’être un droit subsidiaire et les prestations versées par le département au titre de la prise en charge des frais d’hébergement en établissement ont un caractère d’avance, toutefois, le juge de l’aide sociale est fondé, lorsque les héritiers justifient de difficultés sociales, familiales et financières importantes, à accorder une modération des sommes revenant à la collectivité débitrice de l’aide sociale ; que Mme X… témoigne d’une situation financière et sociale extrêmement précaire, qu’il en va d’autant plus ainsi que la collectivité a indument tardé à procéder à la récupération à telle enseigne que les héritiers, modestes ou non, ont pu considérer la somme héritée comme leur étant définitivement acquise ; que dès lors il sera fait une juste appréciation de la situation de la requérante à la date de la présente décision en la déchargeant de la totalité de la dette qui lui a été réclamée,

Décide

Art. 1er Mme X… est déchargée de la dette qui lui a été réclamée.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental du Nord. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 décembre 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 16 mars 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet