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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur succession – Actif successoral – Hébergement – Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Charge effective et constante

Dossier no 150216

M. Y…

Séance du 23 mars 2016

Décision lue en séance publique le 23 mars 2016 à 17 heures

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 20 avril 2015, la requête présentée par Mme X…, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin en date du 9 décembre 2014 en tant qu’elle décide à son encontre de la récupération à hauteur de sa part de l’actif net successoral relative à l’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées dont a bénéficié son frère, M. Y…, pour son hébergement à l’institut I…, par le moyen qu’en ne considérant pas que Mme X… avait assumé la charge effective et constante de son frère handicapé alors que, d’une part, il est attesté par le directeur de l’établissement où ce dernier séjournait que sa relation avec sa sœur aînée Mme X… était importante pour lui, que celle-ci téléphonait au moins mensuellement à son frère, qu’elle le recevait régulièrement chez elle les dimanches et systématiquement les jours de fêtes et que, d’autre part, Mme X… était le seul interlocuteur de l’association tutélaire de M. Y…, la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin a méconnu l’article L. 241‑4 du code l’action sociale et des familles ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 21 août 2015, le mémoire en défense du président du conseil départemental du Haut-Rhin par lequel il se réfère aux termes du jugement de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin et fait siens les motifs du jugement ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 23 mars 2016, Mme Raquel DAS NEVES, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ;2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article L. 241‑4 du même code : « Il n’y a pas lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme X… n’a cessé, à partir du moment où son frère, M. Y…, a été admis à la maison de retraite spécialisée de l’institut I… (Haut-Rhin), de s’occuper de lui activement sur tous les plans, notamment en pourvoyant à son confort matériel et psychologique, en organisant des séjours en famille à l’occasion des fêtes et en lui rendant de fréquentes visites ; qu’il suit de là que la requérante doit être regardée comme ayant assumé, de façon effective et constante, la charge de son frère au sens des disposition précitées du code de l’action sociale et des familles ; que Mme X… est donc fondée à soutenir que c’est à tort que, par sa décision du 9 décembre 2014, la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin a décidé, estimant que le « simple fait d’avoir gardé des contacts avec la personne handicapée ne saurait satisfaire à la condition de charge effective et constante », la récupération à son encontre, à hauteur de sa part de l’actif net successoral, de l’aide sociale à l’hébergement dont a bénéficié son frère M. Y…, cette récupération n’ayant du reste été requise par le département du Haut-Rhin ; que cette décision doit, en conséquence, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la requête ;

Considérant qu’il est constant que M. Y… était, jusqu’à son décès survenu le 18 mars 2013, bénéficiaire de l’aide sociale aux personnes handicapées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite spécialisée de l’institut I…, où il avait été accueilli à compter d’avril 2012 ; qu’à la suite de son décès, le président du conseil général du Haut-Rhin a entrepris de recouvrir sur la succession du bénéficiaire les sommes que le département lui avaient versées au titre de l’aide sociale ; que les informations recueillies par l’administration départementale auprès de l’établissement d’accueil de M. Y… ainsi que de l’association désignée comme tuteur de ce dernier ont conduit le président du conseil général du Haut-Rhin à considérer que Mme X… devait être regardée comme « la personne ayant assumé de façon effective et constante la charge du handicapé » et à décider la non récupération de la part successorale revenant à celle-ci ; que la même décision, en date du 29 avril 2014, prévoyait que les autres frère et sœur du défunt, Mme K… et M. W…, devaient voir la part successorale leur revenant être soumise à récupération ; que M. W… a contesté cette décision devant la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin, faisant valoir qu’il était resté en contact téléphonique avec son frère lorsque ce dernier résidait à la maison de retraite spécialisée de l’institut I… et qu’il pouvait donc être considéré comme « personne ayant assumé de façon effective et constante la charge du handicapé » au même titre que Mme X… dont il prétendait qu’elle avait seulement assumé « la charge d’inviter à manger chez elle de temps en temps » ; qu’il ressort des pièces du dossier, et tout particulièrement d’une attestation du directeur de l’habitat de l’institut I…, d’un courrier du directeur des foyers de vie de l’association A…, association dont relève l’institut I…, et d’un courrier de l’association pour la protection juridique des majeurs « P… », association tutélaire de M. Y…, que, contrairement aux dires de M. W…, Mme X… était la seule personne avec laquelle M. Y… était en relation et qu’elle avait, tout au long de son hébergement à l’institut I…, assumé un engagement personnel apportant d’une manière constante à l’intéressé le soutien affectif et moral dont celui-ci conservait le besoin ; que par cet engagement, Mme X… apparaît bien comme étant, à l’exception de toute autre, « la personne ayant assumé de façon effective et constante la charge du handicapé », au sens des dispositions de l’article L. 241‑4 du code de l’action sociale et des familles précitées ; qu’il suit de là que M. W… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du président du conseil général du Haut-Rhin en date du 29 avril 2014,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin en date du 9 décembre 2014 est annulée en tant qu’elle a décidé que la part successorale de Mme X… ferait l’objet de la part du département du Haut-Rhin d’une récupération sur succession.

Art. 2.  Le recours de M. W… contre la décision du président du conseil général du Haut-Rhin en date du 29 avril 2014 est rejeté.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, à M. W…, au président du conseil départemental du Haut-Rhin. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 mars 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Marie BROSSET-HOUBRON, assesseure, Mme Raquel DAS NEVES, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 23 mars 2016 à 17 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet