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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur succession

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Maison de retraite – Prestation spécifique dépendance (PSD) – Participation financière – Compétence juridictionnelle – Commission départementale d’aide sociale (CDAS) – Décision – Procédure – Régularité

Dossier no 150402

Mme Z…

Séance du 19 janvier 2016

Décision lue en séance publique le 28 avril 2016

Vu l’arrêt de renvoi en date du 27 avril 2015 du Conseil d’Etat annulant la décision no 110409 du 15 avril 2013 de la commission centrale d’aide sociale qui a rejeté le recours de Mesdames S… et C… dirigé contre la décision en date du 28 juin 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme maintenant la décision du président du conseil général en date du 16 novembre 2009, de récupérer à l’encontre des donataires la somme de 36 732,79 euros correspondant aux avances faites par le conseil général du Puy-de-Dôme à Mme Z… du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001, au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile ;

Vu le recours en date du 12 août 2010 formé par Mesdames S… et C…, complété par Maître Martine ARDAILLON le 30 juin 2011, tendant à l’annulation de la décision du 28 juin 2010, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a maintenu la décision du président du conseil général en date du 16 novembre 2009, de récupérer à l’encontre des donataires la somme de 36 732,79 euros correspondant aux avances faites par le conseil général du Puy-de-Dôme à Mme Z… du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001, au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile ;

Les requérantes demandent le réexamen du dossier de leur mère en faisant valoir que celle-ci n’avait aucun bien, ni lors de la demande de prestation spécifique dépendance, ni pendant la période durant laquelle elle en a bénéficié ;

Vu le mémoire en date du 30 juin 2011 de Maître Martine ARDAILLON, conseil de Mme S……, et de Mme C…, qui soutient que la donation litigieuse du 20 novembre 2004 consistait bien, conformément au moyen soulevé par les requérantes, en un acte complémentaire à la donation-partage du 3 mars 1973 ; qu’ainsi la récupération opérée, alors que la demande d’aide sociale a été effectuée plus de dix ans après la donation-partage précitée, est infondée ;

Vu le mémoire en date du 20 août 2015 de Maître Karine ENGEL, successeur de Maître Martine ARDAILLON, qui fait valoir que Mesdames S… et C… ont participé financièrement aux frais liés au placement de leur mère en maison de retraite  règlement de plusieurs échéances mensuelles (coiffeur, vêtements, mutuelle) , soit une aide totale de 17 415,51 euros, qu’elles disposent de retraites modestes et que leur mari connaissent des problèmes de santé générant des frais supplémentaires quotidiens ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la loi du 20 juillet 2001 ;

Vu le décret no 2001‑1085 du 20 novembre 2001 ;

Vu le décret du 17 décembre 1990 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 19 janvier 2016 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations alloués au bénéficiaire de l’aide sociale (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Z… a bénéficié d’une prestation spécifique dépendance (PSD) à domicile du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001 ; que l’intéressée est décédée le 6 mars 2008 ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le conseil général du Puy-de-Dôme se sont élevées à 36 732,79 euros ;

Considérant que, par acte en date du 3 mars 1973, Mme Z… et son époux ont fait donation, avec clause de retour, de leurs biens au profit de leurs trois enfants, Mme S…, Mme C…, et M. J… ; que ce dernier est décédé le 5 mars 2004 ; que par un nouvel acte du 20 novembre 2004, Mme Z… a fait donation à ses deux filles, de biens immobiliers d’une valeur de 51 218,13 euros ; que la masse de ces biens étaient constitués par ceux de Mme Z…, de la quotité de biens lui revenant de son conjoint décédé, et des biens et droits recueillis par elle dans la succession de son fils, M. J… ; que, par suite, le président du conseil général du Puy-de-Dôme a, par décision du 16 novembre 2009, prononcé la récupération à l’encontre des donataires, Mme S… et Mme C…, de la totalité de la créance départementale ; que, saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme l’a rejeté par décision en date du 28 juin 2010 ;

Considérant que la commission centrale d’aide sociale par décision en date du 15 avril 2013, a rejeté l’appel formé par Mme S… et Mme C…, au motif que la récupération est fondée ; que cette décision a été annulée par l’arrêt en date du 27 avril 2015 du Conseil d’Etat au motif qu’en ne statuant pas sur une éventuelle modération de la créance en litige, alors qu’elle en avait la faculté, la commission centrale d’aide sociale s’est méprise sur son office ; que le même arrêt a renvoyé l’affaire devant la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant qu’il résulte des dispositions des articles L. 134-l et suivants et de l’article L. 262‑39 du code de l’action sociale et des familles que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives lorsqu’elles statuent sur les décisions relatives aux prestations de l’aide sociale ; qu’il suit de là que ces juridictions doivent observer les règles générales de procédure qui n’ont pas été écartées par une disposition législative expresse ou qui ne sont pas incompatibles avec leur organisation ; que la décision contestée de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme se présente en un feuillet ; que ce document ne contient ni visas des textes applicables à l’espèce, ni considérant qui permette de prendre connaissance du litige et d’établir qu’il a été procédé à un examen, ne serait-ce que sommaire, des moyens invoqués par les requérantes ; qu’ainsi, cette décision ne remplit pas les conditions minimales auxquelles doit satisfaire une décision de justice ; qu’en conséquence, elle doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que pour l’application de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action en récupération engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision ; qu’elles ont également la faculté, en fonction des circonstances particulières de l’espèce, d’aménager les modalités de la récupération assignée et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

Considérant qu’il ressort de l’acte de notoriété concernant M. J… que celui-ci est décédé sans laisser d’enfant ; que sa mère et ses sœurs sont ses seules héritières ; que par acte du 20 novembre 2004, Mme Z… a donné à ses deux filles les biens qu’elle avait reçus à la suite du décès de M. J… en application d’une clause de retour au profit du donateur ; que, s’il est vrai que les biens objet de la donation proviennent du patrimoine de son fils décédé, et que ces biens avaient fait l’objet d’une première donation en 1973, il n’en demeure pas moins que la bénéficiaire a procédé à un nouvel acte de donation-partage ; que rien ne l’obligeait à donner ces biens à ses filles, alors même qu’elle avait des difficultés à subvenir à ses frais d’hébergement ; que la donation a été réalisée postérieurement à la demande d’aide sociale ; qu’ainsi, l’action en récupération est fondée ; que, dès lors, les conclusion de Maître Martine ARDAILLON sur ce point doivent être rejetées ;

Considérant, par ailleurs, que Mme S…, est âgée de 64 ans et son mari de 69 ans ; que les ressources mensuelles de leur foyer sont constituées de retraites d’un montant de 2 033,48 euros ; que Mme C… a 76 ans et son mari 78 ans, que le total de leurs retraites mensuelles s’élève à 2 529,48 euros ; que les deux requérantes ont eu à régler plusieurs échéances mensuelles de la maison de retraite où a séjourné leur mère pour un montant de 16 865,51 euros ; que les époux des deux intéressées souffrent de plusieurs pathologies graves engendrant des frais importants ; qu’en conséquence, il sera fait une juste appréciation de la situation en limitant la récupération à l’encontre de Mme S… et Mme C…, à la somme globale de 12 000 euros,

Décide

Art. 1er La décision en date du 28 juin 2010 de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme, ensemble la décision du président du conseil général en date du 16 novembre 2009, sont annulées.

Art. 2.  La récupération à l’encontre de Mme S… et Mme C… est limitée à la somme globale de 12 000 euros.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Mme S…, à Mme C…, à Maître Karine ENGEL, au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 janvier 2016 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 28 avril 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet