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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Obligation alimentaire – Participation financière – Procédure – Ressources – Erreur

Dossier no 130502

Mme Y…

Séance du 26 novembre 2014

Décision lue en séance publique le 26 novembre 2014

Vu le recours formé par Mme X… en date du 28 mars 2013 tendant à l’annulation de la décision du 18 octobre 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine a partiellement modifié la décision du président du conseil général des Hauts-de-Seine en date du 23 novembre 2011 refusant l’attribution de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement en établissement pour personne âgées de Mme Y…, sa mère, au motif que « l’intéressée peut faire face à ses frais d’hébergement avec l’aide des personnes tenues à l’obligation alimentaire à son égard », en accordant le bénéfice de l’aide sociale à Mme Y… pour la période du 21 novembre 2011 au 15 février 2012 sous réserve d’une participation globale des obligés alimentaires fixée à 494 euros par mois sur cette période mais en refusant la prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement à partir du 16 février 2012, l’intéressée pouvant faire face à ceux-ci avec l’aide des personnes tenues à l’obligation alimentaire à son égard ;

La requérante conteste la décision de la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine, aux motifs qu’elle n’a jamais reçu la convocation l’invitant à se présenter à l’audience, qu’elle n’a donc pu expliquer sa situation financière, que les éléments de calcul de la participation des obligés alimentaires n’ont jamais été portés à sa connaissance pas plus que le barème auquel il est fait allusion dans la décision attaquée, qu’il a ainsi été porté atteinte au principe du contradictoire ; qu’il n’a pas été répondu aux arguments et pièces versées au débat et notamment le fait que l’époux de la requérante ne perçoit plus de revenu salarial depuis le 1er mars 2010, que ses revenus sont ainsi totalement incertains et que ses charges fixes qui correspondent à des dépenses incompressibles impactent la totalité des revenus mensuels du couple, la requérante soutient également que le tarif hébergement pris en compte pour déterminer l’admission ou non à l’aide sociale de Mme Y… est le tarif hébergement « aide sociale » de 51,13 euros, et non le tarif facturé aux personnes qui ne sont pas admises au bénéfice de l’aide sociale d’un montant de 70,97 euros, qu’en conséquence et sans admission à l’aide sociale de sa mère, elle se trouve dans l’impossibilité absolue de couvrir le reste à charge relatif à la différence entre le tarif hébergement et la participation de sa mère à ses frais d’hébergement et d’entretien qui s’élève ainsi à 603,47 euros mensuels ; qu’au surplus elle a toujours subvenu aux besoins de sa mère et s’en occupe seule depuis le décès de son père en 1988 et qu’enfin pour diminuer le cout de séjour trop élevé de sa mère, elle a été contrainte de la placer dans un établissement situé à 260 km de son domicile ce qui lui cause un préjudice moral important ; la requérante propose enfin en contrepartie de l’admission au bénéfice de l’aide sociale de sa mère de participer aux frais d’hébergement à hauteur de 200 euros et précise que sa sœur s’engage à participer à hauteur de 80 euros ce qui aurait pour conséquence pour le département de participer à hauteur de 77,89 euros par mois ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Vu l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale d’aide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de l’article 1635 bis Q du code général des impôts ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 26 novembre 2014, Mme DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Sur le principe du contradictoire :

Considérant dans un premier temps que le principe du contradictoire est un des principes généraux du droit ; que dans ces conditions ces principes s’appliquent aux décisions des juridictions de l’aide sociale ; que toutefois dans le cas de la présente instance, d’une part, il ne ressort d’aucun document une quelconque demande concernant la communication de certaines pièces et notamment du barème indicatif utilisés aux fins du calcul du montant de la participation des obligés alimentaires, que d’autre part, l’article L. 134‑9 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le demandeur (…) est entendu lorsqu’il le souhaite devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale ; qu’en l’espèce il résulte de l’instruction du dossier que la requérante a bien été invitée par lettre en date du 4 octobre 2012 à être entendue par la commission départementale d’aide sociale ; qu’elle pouvait à cette occasion obtenir communication du dossier constitué auprès de la commission départementale ; qu’ainsi, le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire ne peut être retenu ;

Sur le tarif pris en compte :

Considérant dans un deuxième temps qu’il résulte de l’instruction que l’établissement dans lequel est accueillie Mme Y… a été habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale pour un tarif hébergement de 51,13 euros par jour, mais dispose par ailleurs au sein de son établissement d’autres places destinées à accueillir des personnes non admises au bénéfice de l’aide sociale dont le tarif journalier s’élève à 77,99 euros ; que seul le tarif « aide sociale » peut être opposable au président du conseil général ; que rien n’impose à l’établissement de facturer selon des tarifs identiques les personnes admises au bénéfice de l’aide sociale et celles qui ne le sont pas ; que s’il est effectivement étonnant qu’une personne qui n’est pas admise au bénéfice de l’aide sociale soit contrainte de payer un tarif plus élevé, c’est auprès de l’établissement qu’il y a lieu de réclamer une explication sur cette différence de tarif dont le président du conseil général n’est, a priori, en rien responsable ;

Sur l’admission à l’aide sociale :

Considérant dans un troisième temps qu’aux termes de l’article L. 132‑1 du code de l’action et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » et qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » ; qu’aux termes de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. (…) » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles que la commission centrale d’aide sociale est en mesure d’apprécier globalement la contribution financière que les obligés alimentaires du bénéficiaire de l’aide sociale sont en mesure d’apporter aux frais résultant du placement de ce dernier en établissement ;

Considérant que le refus d’admission à l’aide sociale de Mme Y… est fondé sur une évaluation des ressources du couple X… suffisante pour assumer l’obligation alimentaire de Mme X… envers sa mère, qu’il résulte toutefois de l’instruction et des pièces versées au dossier que cette évaluation des ressources s’avère être erronée, qu’en effet, la prise en compte d’un bénéfice non commercial professionnel fausse l’analyse des revenus et du budget du couple C…, que toute diminution de cette ressource, par nature aléatoire, empêche ainsi le couple de supporter une charge supplémentaire de 603,47 euros par mois, qu’il résulte de ce qui précède que Mme X… est fondée à réclamer l’annulation de la décision en date du 18 octobre 2012 de la commission départementale d’aide sociale des Hauts-de-Seine et la décision du président du conseil général des Hauts-de-Seine en date du 23 novembre 2011,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale des Hauts-de-Seine en date du 18 octobre 2012 est annulée en ce qu’elle a refusé la prise en charge par l’aide sociale de Mme Y… à compter du 16 février 2012.

Art. 2.  Mme Y… est admise au bénéfice de l’aide sociale pour la période du 16 février 2012 au 16 février 2017 sous réserve du reversement de 90 % de ses ressources et d’une participation globale des obligés alimentaires de 200 euros par mois.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil général des Hauts-de-Seine. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 novembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 26 novembre 2014.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet