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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Placement – Allocation aux adultes handicapés (AAH) – Recours – Recevabilité – Mandataire – Participation financière – Modalités de calcul

Dossier no 150037

M. X…

Séance du 23 mars 2016

Décision lue en séance publique le 23 mars 2016 à 17 heures

Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 24 septembre 2014, la requête présentée par l’association D… en qualité de tuteur de M. X…, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale :

1o) Annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en date du 12 juin 2014 en tant qu’elle décide de ne pas déduire le coût annuel lié à la souscription d’une complémentaire santé de l’assiette de ressources sur laquelle est calculé le reste à vivre de M. X… qui bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), par le moyen qu’en ne considérant pas que les frais de mutuelle acquittés par M. X… sont une charge obligatoire déductible de l’assiette de ressources, la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne a méconnu l’article L. 132‑3 du code l’action sociale et des familles tel qu’interprété par la décision du Conseil d’Etat no 286891 en date du 14 décembre 2007 ;

2o) déclarer que la contribution de 35 euros réglée par M. X… pour engager son recours devant la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne doit être remboursée par le conseil départemental du Val-de-Marne en vertu de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 11 mai 2015, le mémoire en défense présenté par le président du conseil départemental du Val-de-Marne tendant à :

ce que le recours soit déclaré irrecevable au motif qu’il est introduit par Mesdames Y… et Z… sans qu’il soit établi que l’une d’elles dispose d’une délégation de pouvoir pour représenter M. X… en justice ;

ce que soit confirmée la décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en ce qu’elle décide que la collectivité départementale n’a pas à financer la complémentaire santé de M. X… aux motifs que : en premier lieu, compte tenu du caractère subsidiaire de l’aide sociale et de l’importance des ressources dont dispose M. X…, celui-ci peut lui-même prendre en charge le coût d’une mutuelle en utilisant par exemple à cette fin les intérêts des comptes épargne handicap auxquels il a souscrit en 2006 après sa demande d’aide sociale et dont les montants élevés, de 404,14 euros par mois, ne sont pas comptabilisés dans ses ressources ; en deuxième lieu, l’intéressé devrait pouvoir demander l’aide à la complémentaire santé qui est accordée sous condition de ressources ; en dernier lieu, la référence à la décision du Conseil d’Etat du 14 décembre 2007 est infondée dans la mesure où cette décision se rapporte à une situation différente, moins favorable que celle de M. X…, puisqu’elle concerne une personne âgée hébergée qui ne gardait que 10 % de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), soit 96 euros par mois, ce qui ne lui permettait pas de payer une mutuelle, alors que M. X… dispose de 30 % de l’AAH pour faire face à ses propres dépenses ;

ce que soit rejetée la demande de M. X… tendant au remboursement de la contribution réglée par lui pour engager son recours au motif que celui-ci a été soumis aux mêmes obligations que les autres citoyens ; que ses finances lui permettent de payer ce montant et que l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ne peut être invoqué dans le cadre d’une procédure devant la commission centrale d’aide sociale ;

Vu, enregistré le 8 juin 2015, le mémoire en réplique présenté par l’ASFA, faisant valoir que Mme Z…, chef de service à l’association, disposait de la délégation de pouvoir lui permettant d’ester en justice en tant que représentante de M. X… ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du Conseil d’Etat no 286891 du 14 décembre 2007 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 23 mars 2016, Mme Raquel DAS NEVES, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Sur la recevabilité de la requête ;

Considérant, qu’il ressort des pièces du dossier que Mme Z… disposait, à la date d’introduction de la requête, d’une délégation de pouvoir du président de l’Association D… aux fins d’assister ou de représenter les personnes confiées à l’association en vertu d’un mandat judiciaire ; qu’ainsi, elle pouvait compétemment ester en justice en lieu et place de M. X…, celui-ci ayant été placé sous tutelle par une décision du juge des tutelles du tribunal d’instance d’Oloron-Sainte-Marie, en date du 8 novembre 2011, désignant l’ l’association D… en qualité de tuteur ;

Au fond ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. (…) » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les personnes en situation de handicap hébergées en établissement au titre de l’aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources ; que ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion ; qu’il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses ; qu’en outre, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l’action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de cette assiette, soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l’article L. 174‑4 du code de la sécurité sociale, soit les cotisations d’assurance maladie complémentaire, dite « complémentaire santé », nécessaires à la couverture de ces dépenses ;

Considérant qu’il suit de ce qui a été dit ci-dessus que la somme minimale laissée à la disposition de M. X…, personne en situation de handicap bénéficiaire de l’AAH et placée en établissement, devait bien être déterminée après déduction des sommes nécessaires à l’acquisition par lui d’une « complémentaire santé » destinée à assurer la couverture de la part des tarifs de sécurité sociale restant à sa charge ainsi que le forfait journalier ; qu’en estimant qu’il y avait lieu de ne pas déduire le coût annuel lié à la souscription d’une « complémentaire santé » ayant un tel objet de l’assiette de ressources sur laquelle est calculé le reste à vivre de l’intéressé, la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne a entaché sa décision d’illégalité ; que cette décision doit, en conséquence, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la requête ;

Considérant que, par décision du 20 novembre 2013, le président du conseil général du Val-de-Marne a admis M. X… au bénéfice de l’aide sociale, sous réserve de la récupération règlementaire des ressources de celui-ci, du 2 juin 2013 au 30 avril 2016, pour sa prise en charge en foyer de vie au sein de l’établissement « F… » de l’Association de parents d’enfants handicapés et des handicapés des personnels de police du ministère de l’intérieur (APEHHPPMI) (Pyrénées-Atlantiques) ; que, par la même décision, le montant de la participation de M. X… aux frais d’hébergement dans ce foyer de vie a été fixé, pour l’année 2013, à 26,69 euros par jour de présence journalière ; que le mode de calcul ayant permis de déterminer un tel montant a été contesté par l’Association D… , agissant en qualité de tuteur de l’intéressé, en ce qu’il ne prenait pas en compte au titre des charges le montant de la « complémentaire santé » contractée auprès de la mutuelle générale de la police et s’élevant mensuellement à 25,51 euros ; qu’ainsi, l’association D… a demandé au président du conseil général du Val-de-Marne de revoir le mode de calcul retenu et de déduire de l’assiette des ressources de M. X… le montant que celui-ci acquitte au titre de cette « complémentaire santé » ; que le département n’ayant pas estimé pouvoir donner satisfaction à l’association D… , celle-ci demande à la juridiction de l’aide sociale de faire droit à ses conclusions tendant à ce que soit revu le mode de calcul de la participation de M. X… aux frais relatifs à son hébergement en foyer de vie ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il y a lieu, pour déterminer le montant de cette participation, de déduire de l’assiette de ressources sur laquelle est calculé le reste à vivre de l’intéressé le coût annuel de sa souscription à une complémentaire santé, dans la mesure où il ressort du dossier que celle-ci est bien destinée à assurer la couverture de la part des tarifs de sécurité sociale restant à sa charge ainsi que le forfait journalier ; qu’ainsi, l’association requérante est fondée à demander l’annulation de la décision du président du conseil général du Val-de-Marne en date du 20 novembre 2013, en ce qu’elle a retenu un mode de calcul écartant cette déduction ;

Considérant que l’association D… sollicite la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 35 euros correspondant à l’acquit du droit de timbre, au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ; qu’il ne saurait être fait droit à une demande présentée sur un tel fondement, les dispositions de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative n’étant pas applicables dans la présente instance,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en date du 21 juillet 2014 et la décision du président du conseil général du Val-de-Marne en date du 20 novembre 2013 sont annulées en tant qu’elles retiennent, pour la fixation du montant de la participation de M. X… aux frais résultant de son hébergement en foyer de vie, un mode de calcul excluant la déduction du coût annuel lié à la souscription par l’intéressé d’une « complémentaire santé » de l’assiette de ressources sur laquelle est calculé son reste à vivre.

Art. 2.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art.3 : La présente décision sera notifiée à l’association D…, au président du conseil départemental du Val-de-Marne. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 mars 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Marie BROSSET-HOUBRON, assesseure, Mme Raquel DAS NEVES, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 23 mars 2016 à 17 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine Rieubernet