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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Minorité – Institut médico-éducatif (IME) – Législation – Règlementation – Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) – Prise en charge – Date d’effet – Commission centrale d’aide sociale (CCAS) – Erreur

Conseil d’Etat statuant au contentieux

Dossier no 385639

M. A…

Séance du 8 juin 2016

Lecture du 29 juin 2016

Vu la procédure suivante :

L’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, agissant en qualité de tuteur de M. A…, majeur protégé, a demandé à la commission départementale d’aide sociale du Doubs d’annuler la décision du 19 décembre 2012 par laquelle le président du conseil général du Doubs a refusé la prise en charge des frais d’accueil et d’hébergement de M. A…en semi-internat à l’institut médico-éducatif « I… »(Doubs) pour la période du 7 octobre 2011 au 15 septembre 2012. Par une décision du 9 avril 2013, la commission départementale d’aide sociale du Doubs a rejeté sa demande.

Par une décision no 130465 du 26 juin 2014, la commission centrale d’aide sociale a rejeté l’appel formé contre la décision de la commission départementale d’aide sociale du Doubs par l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs.

Par un pourvoi, enregistré le 10 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, agissant en qualité de tuteur de MA, demande au Conseil d’Etat d’annuler cette décision de la commission centrale d’aide sociale du 26 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

le code de l’action sociale et des familles ;

le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

le rapport de M. Yannick FAURE, maître des requêtes,

les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du conseil général du Doubs ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, tuteur de M. A…en vertu d’un jugement du juge des tutelles du 9 novembre 2010, a présenté à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du Doubs, antérieurement au 7 octobre 2011, date du vingtième anniversaire de MA, une demande d’orientation de ce dernier vers un établissement social ou médico-social pour adultes ; que, par une décision du 30 mars 2012, cette commission a orienté M. A…, à compter de son vingtième anniversaire, vers un foyer d’accueil médicalisé, en prévoyant toutefois qu’en l’absence de place disponible, il serait maintenu, au titre de l’article L. 242‑4 du code de l’action sociale et des familles, dans l’institut médico-éducatif « I… » qu’il fréquentait avant son vingtième anniversaire ; que l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, agissant en sa qualité de tuteur de M. A…, a demandé le 6 septembre 2012 au département du Doubs la prise en charge, au titre de l’aide sociale, des frais de semi-internat dans cet établissement ; que, par une décision du 19 décembre 2012, le président du conseil général n’a accordé cette prise en charge qu’à compter du 16 septembre 2012 ; que, par une décision du 26 juin 2014, contre laquelle l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs se pourvoit en cassation, la commission centrale d’aide sociale a confirmé la décision du 9 avril 2013 de la commission départementale d’aide sociale du Doubs rejetant le recours de cette association contre la décision du président du conseil général du Doubs, en tant qu’elle refuse la prise en charge des frais en litige pour la période du 7 octobre 2011 au 15 septembre 2012 ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 242‑4 du code de l’action sociale et de la famille : « La prise en charge la plus précoce possible est nécessaire. Elle doit pouvoir se poursuivre tant que l’état de la personne handicapée le justifie et sans limite d’âge ou de durée. Lorsqu’une personne handicapée placée dans un établissement ou service mentionné au 2o du I de l’article L. 312‑1 ne peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l’article L. 146‑9, ce placement peut être prolongé au-delà de l’âge de vingt ans ou, si l’âge limite pour lequel l’établissement est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l’attente de l’intervention d’une solution adaptée, par une décision de la commission mentionnée à l’article L. 146‑9 (…) Cette décision s’impose à l’organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d’hébergement et de soins dans l’établissement pour adulte désigné par la commission (…) » ; que les trois derniers alinéas de ce même article précisent que : « Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement relevant de la compétence du département, le tarif journalier de l’établissement pour mineurs dans lequel le jeune adulte handicapé est maintenu est pris en charge par l’aide sociale du département dans lequel il a son domicile de secours. Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement et service mentionné au V de l’article L. 314‑1, le prix de journée de l’établissement pour mineur à la charge de l’aide sociale du département est diminué du forfait journalier plafond afférent aux soins fixé pour l’exercice précédent, qui est facturé aux organismes d’assurance maladie. Dans les autres cas, ce tarif journalier est pris en charge par les organismes d’assurance maladie et est facturé par l’établissement à ces derniers » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 131‑4 du même code : « Les décisions attribuant une aide sous la forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 131‑2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l’aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. Toutefois, pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil général ou le préfet (…) » ;

4. Considérant que, par les dispositions de l’article L. 242‑4 du code de l’action sociale et des familles, le législateur a entendu prévoir tant la continuité de l’accueil du jeune handicapé adulte qui ne peut être immédiatement admis dans un établissement pour adultes désigné par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, que la continuité de la prise en charge des frais d’hébergement et de soins de l’intéressé ; qu’il résulte également de ces dispositions que la décision de la commission décidant le maintien, dans l’attente d’une solution adaptée, dans un établissement ou service mentionné au 2o du I de l’article L. 312‑1 du même code au-delà de l’âge de vingt ans ou, si l’âge limite pour lequel l’établissement agréé est supérieur, au-delà de cet âge, s’impose à l’organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge ces frais dans l’établissement qu’elle désigne ; qu’il suit de là que les délais prévus par l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas applicables lorsqu’une personne handicapée est maintenue sur décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées dans un établissement ou service pour mineurs ou jeunes adultes handicapés ; que, dans ce cas, la prise en charge des frais relevant de l’aide sociale doit prendre effet à compter de la date d’expiration de la prise en charge précédente ;

5. Considérant, dès lors, qu’en jugeant que l’admission à l’aide sociale de M. A… au titre de son maintien à l’institut médico-éducatif « I… » ne pouvait prendre effet qu’à compter du 16 septembre 2012, premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle la demande avait été présentée par l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, et non à compter du 7 octobre 2011, date du vingtième anniversaire de M. A…à laquelle cessait la prise en charge par l’assurance maladie des dépenses autres que de soins, la commission centrale d’aide sociale a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, que l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, agissant en qualité de tuteur de MA, est fondée à demander l’annulation de la décision de la commission centrale d’aide sociale qu’elle attaque,

Décide

Art. 1er La décision du 26 juin 2014 de la commission centrale d’aide sociale est annulée.

Art. 2 : L’affaire est renvoyée à la commission centrale d’aide sociale.

Art. 3 : La présente décision sera notifiée à l’Association tutélaire des majeurs protégés du Doubs, tuteur de M. A… et au département du Doubs.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé et à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.