Bisphénols

Qu’est-ce que les bisphénols ? Où les trouve-t-on ?

Les bisphénols sont des composés utilisés dans la fabrication industrielle des plastiques, en tant que monomères du polycarbonate ou en tant qu’additifs dans les résines époxy. Ils forment une grande famille constituée de nombreuses substances qui ont des structures chimiques et des utilisations similaires. Parmi les plus connus figurent le bisphénol A (BPA) et le bisphénol S (BPS). Le bisphénol B est utilisé dans certains pays (Etats-Unis) comme alternative à certains usages du BPA et BPS, toutefois, les travaux menés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) indiquent que cette substance présente des propriétés endocriniennes similaires à celles du BPA. Le bisphénol F est utilisé principalement dans la fabrication de résines époxy (revêtement boite de conserve) et de revêtements pour différentes applications (adhésifs, vernis, scellant dentaire, emballages alimentaires).

Les polycarbonates sont utilisés pour fabriquer un grand nombre d’objets courants (DVD, CD, lunettes, certaines bouteilles plastiques, contenants alimentaires), alors que les résines époxy sont utilisées pour constituer les revêtements intérieurs des boîtes de conserve, des canettes ou dans la fabrication des amalgames dentaires. Elles servent à préserver le goût des aliments et à les protéger d’une contamination microbiologique. Les bisphénols sont également utilisés en tant qu’additifs dans la fabrication des papiers thermosensibles.

L’alimentation contribue à plus de 80% de l’exposition de la population au bisphénol A. Les principales sources d’exposition alimentaire aux bisphénols, identifiées par l’Anses, sont les produits en boîtes de conserve ou encore les bonbonnes d’eau en polycarbonate. L’agence a également estimé que la manipulation de tickets thermiques (tickets de caisse, reçus de cartes bancaires…) conduisait à des situations d’exposition à risque, notamment dans un cadre professionnel.

En septembre 2019, dans le cadre du programme national de biosurveillance, Santé publique France a publié les résultats des niveaux d’imprégnation par les bisphénols A, S et F obtenus dans l’enquête transversale Esteban. Mesurés pour la première fois en France, les bisphénols A, S et F ont été détectés dans la quasi-totalité des échantillons avec une imprégnation plus importante chez les enfants que chez les adultes. Les niveaux de BPA mesurés dans le cadre de la cohorte ELFE / Etude Longitudinale Française depuis l’Enfance (analyses chez plus de 4 000 mères incluses dans la cohorte ayant accouché en 2011) étaient inférieurs (trois fois moins) à ceux mesurés dans l’enquête Esteban. La recherche des déterminants de l’imprégnation montrait une augmentation des concentrations en BPA, BPS et BPF chez les enfants en lien avec l’achat de viande pré-emballée (BPA), de poissons pré-emballés (BPS) et le fait d’aérer moins régulièrement son logement (BPF). Chez les adultes, l’imprégnation par les BPS augmentait avec la consommation d’aliments pré-emballés (conserves, plats préparés), et le fait d’avoir effectués des travaux de peinture dans les 12 mois précédents et le manque d’aération du logement au printemps et en été. Ces associations doivent toutefois être interprétées avec précaution car les études transversales ne permettent pas à elles-seules de déterminer la causalité entre les sources d’exposition potentielles étudiées et les niveaux d’imprégnation mesurés, notamment pour les biomarqueurs d’exposition à demi-vie courte, tels que les bisphénols, dosés à partir d’un prélèvement biologique unique et ponctuel.

La nouvelle enquête de biosurveillance Albane permettra de poursuivre la surveillance de l’exposition aux bisphénols dans la population française.
Par ailleurs, la 3ème Etude Alimentation Totale (EAT3), qui est en cours, permettra de quantifier les bisphénols A, B, F, M et S dans plus de 600 échantillons alimentaires ; les résultats de cette étude sont attendus en 2024.

Au niveau européen, le programme HBM4EU a permis de travailler sur les bisphénols et produire des données européennes d’imprégnation à ces substances : les études ont montré que les niveaux médians de BPA urinaire sont toujours prononcés dans toutes les régions européennes. Les niveaux médians des substituts urinaires du BPA (BPS et BPF) sont en augmentation dans certains pays européens (par rapport à l’étude antérieure DEMOCOPHES), ce qui suscite une inquiétude croissante quant à l’exposition au BPS et au BPF en Europe.

Quels sont les risques pour la santé ?

En 2011, sur la base d’un rapport relatif aux effets sanitaires du BPA, l’Anses a conclu à l’existence d’effets avérés chez l’animal (effets sur la reproduction, sur la glande mammaire, sur le métabolisme, le cerveau et le comportement) et d’effets suspectés chez l’Homme (effets sur la reproduction, sur le métabolisme et les pathologies cardiovasculaires).

Ces effets pourraient être observés mêmes à de faibles niveaux d’exposition, au cours des phases sensibles du développement de l’individu. Ainsi, l’Anses a recommandé une réduction de l’exposition de la population au BPA, notamment par sa substitution dans les matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, en particulier pour les populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants, femmes enceintes et allaitantes).

Les bisphénols sont considérés comme des perturbateurs endocriniens (substances altérant les fonctions du système endocrinien et induisant des effets néfastes sur la santé). Le BPA mine l’action des œstrogènes en se fixant aux récepteurs alpha et béta de ces hormones. Il affecte non seulement les fonctions oestrogéniques, mais aussi les fonctions des hormones androgènes, la prolactine, l’insuline, ou encore des hormones thyroïdiennes. Le BPA pourrait ainsi être responsable de l’apparition de troubles de la reproduction (infertilité), du métabolisme (obésité, diabète), de dysfonctionnements thyroïdiens ou encore de cancers hormono-dépendants (sein, prostate). De façon similaire au BPA, il a été démontré que le BPF et le BPS sont des perturbateurs endocriniens ayant un impact sur l’activité oestrogénique et androgénique.

Les travaux d’expertise et de recherche aux niveaux national et européen

Le 2 juin 2010, l’Inserm a publié un rapport préliminaire de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens, relatif aux effets du BPA sur la reproduction. Il fait le point sur la dangerosité du BPA, les connaissances, les premiers enseignements et les travaux à mener.

Depuis, l’Inserm a publié de nombreux articles sur les impacts sanitaires du BPA et des bisphénols en général.

Par ailleurs, l’Anses a mené de nombreux travaux depuis plus de 10 ans et a rendu plusieurs avis relatifs au BPA.

En février 2017, l’Anses a soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une proposition de classement du BPA en tant que substance extrêmement préoccupante (SVHC – substance of very high concern) dans le cadre du règlement européen REACh, au titre de ses propriétés « perturbateur endocrinien » pour la santé humaine. En juin 2017, cette proposition a été adoptée par le comité des Etats membres auprès de l’ECHA. Cette décision a eu pour conséquence une obligation pour l’industrie de notifier à l’ECHA la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d’informer l’acquéreur d’un article, suite à sa demande, de la présence de BPA.

Les industriels ont par la suite remplacé le BPA par d’autres bisphénols, tels que le S (BPS) et le B (BPB). L’Anses avait alerté sur le fait que les substituts du BPA, composés de la famille des bisphénols, avaient une structure chimique commune leur conférant des propriétés oestrogéniques et avait indiqué qu’une attention particulière devrait ainsi être portée lors de l’utilisation des bisphénols S, F, M, B, AP, AF et BADGE (bisphénol A diglycidyléther) dans certains domaines, car l’activité oestrogénique pourrait s’avérer néfaste pour le consommateur. En 2019, l’Anses avait indiqué qu’il fallait éviter de substituer le BPA par le BPB.

Dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, l’Anses a évalué le potentiel de perturbation endocrinienne du bisphénol B et a proposé de l’identifier en tant que substance extrêmement préoccupante (SVHC). Ainsi, en juillet 2021, en raison de ses propriétés de perturbateur endocrinien pour la santé humaine et pour l’environnement, le BPB a été ajouté à la liste des SVHC.

Le 17 janvier 2023, l’ECHA a ajouté deux autres bisphénols à la liste des SVHC :

  • Le 2,2’,6,6’tétrabromobisphénol A en raison de ses propriétés cancérigènes. Ce bisphénol est employé comme retardateur de flamme réactif et additif pour la production de résines polymères, dans des produits tels que les cartes de circuits imprimés à revêtement époxy, le papier et les textiles.
  • Le bisphénol S du fait de ses propriétés reprotoxiques et de perturbateur endocrinien pour la santé humaine et pour l’environnement. Le BPS est présent notamment dans les papiers thermiques, les textiles, les cuirs ou les fourrures.

En juin 2020, le site edlists.org a été lancé par plusieurs Etats membres dont la France. Son’ objectif est d’informer les parties prenantes sur le statut actuel des substances identifiées comme perturbateurs endocriniens (PE) ou en cours d’évaluation pour leurs propriétés de perturbation endocrinienne au sein de l’Union européenne (UE). Aujourd’hui deux bisphénols figurent sur la liste I (substances identifiées comme perturbateurs endocriniens au niveau de l’UE) : le BPA et le BPB. La liste sera mise à jour régulièrement.

En 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié une étude fixant l’apport quotidien tolérable du BPA à 0,2 nanogramme (2 milliardième de gramme) par kilogramme de poids corporel par jour. Cette valeur est environ 20.000 plus basse que ce qui avait été calculé en 2015 par l’autorité. Les experts de l’EFSA ont également estimé qu’un très grand nombre de personnes, dans toutes les tranches d’âge, dépassaient cette limite. (lien vers le site de l’EFSA).

Récemment, l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) a publié sur son site internet une information basée sur les données de HBM4EU et l’expertise de l’EFSA, montrant notamment que 100 % des personnes en France étaient exposées au BPA à des niveaux supérieurs aux niveaux de sécurité sanitaires acceptables.

Les travaux sur la substitution

L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) a publié un site internet sur la substitution des substances chimiques donnant des informations sur diverses familles de molécules alternatives aux bisphénols (isosorbides, polyesters, …), ou sur des alternatives aux matériaux qui requièrent des bisphénols, en les illustrant d’exemples de substitution précis et issus de pratiques ou d’expériences concrètes dans les entreprises.

Ces travaux de l’Ineris s’inscrire dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens.

La réglementation et les actions nationales et européennes

A la suite des travaux de l’Anses de 2011, relatif aux effets sanitaires du BPA, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, en décembre 2012, une loi visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du BPA. Cette loi, a suspendu, depuis le 1er janvier 2013, l’utilisation du BPA dans tous les conditionnements, contenants et ustensiles destinés à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge. Cette suspension a été étendue au 1er janvier 2015 pour tout autre conditionnement, contenant ou ustensile comportant du BPA et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires.

Pour rappel, la loi n°2010-729 du 30 juin 2010 avait déjà suspendu la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de BPA jusqu’à l’adoption, par l’Anses, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

Cette mesure avait été suivie au niveau européen en application de la directive n° 2011/8/UE de la Commission du 28 janvier 2011 qui prévoit l’interdiction d’utiliser le BPA dans les biberons en plastiques depuis le 1er mars 2011, et l’interdiction de mise sur le marché et l’importation depuis le 1er juin 2011.

A la suite de la publication des travaux concernant les effets sanitaires du BPA, le Gouvernement français a saisi l’Anses pour établir un dossier de restriction du BPA dans les tickets thermiques, dans le cadre de la règlementation REACh (règlement (CE) n° 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques). Le dossier a été soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en janvier 2014 et a été adopté en juillet 2016 en comité REACh. L’interdiction du BPA dans les tickets thermiques est entrée en vigueur en janvier 2020 (règlement UE 2016/2235).

En 2022, l’Allemagne a déposé un dossier de restriction d’une série de bisphénols auprès de l’ECHA en proposant de limiter l’utilisation dans les mélanges et articles du bisphénol A et des bisphénols ayant des propriétés de perturbation endocrinienne pour l’environnement.

Des travaux sont en cours pour prendre en compte l’étude de l’EFSA publiée en 2023 sur le BPA dans la réglementation européenne. Il est envisagé d’interdire le BPA, ainsi que d’autres bisphénols qui pourraient le substituer, dans la fabrication des matériaux destinés à entrer en contact avec les aliments.

Les recommandations de la Direction générale de la santé

Le Ministère de la santé recommande des gestes simples à adopter pour limiter les expositions aux bisphénols via l’alimentation :

Privilégier la cuisine faite maison ;
Pour cuisiner, privilégier les matériaux aptes au contact alimentaire comme le verre, l’inox, la fonte, le bois non traité (éviter les poêles antiadhésives, les bouilloires et les contenants en plastique) ;
Eviter de réchauffer, par ex. au micro-ondes, les aliments dans des récipients ou des emballages en plastique.

Liens utiles

Site de l’Anses :

Site de Santé publique France :

Site du programme européen HBM4EU et documents de communication produits sur les bisphénols : policy brief, infographic, factsheet, substance report and video.

Site de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) :

Site de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) :

Site du ministère chargé de la santé :


Source :
Direction générale de la santé
Sous direction Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation
14 avenue Duquesne
75007 Paris