La conciliation médicamenteuse : enquête sur son déploiement national

En 2015, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) a mis en place une enquête auprès de 2537 établissements de santé (publics, privés à but lucratif (EPBL), et privés d’intérêt collectif (ESPIC)) (on dénombre 4133 établissements) visant à établir un état des lieux de la mise en œuvre de la conciliation médicamenteuse (secteurs, cibles, ressources, difficultés, indicateurs) et à identifier les besoins des acteurs pour impulser sa mise en œuvre.

Lors de cette enquête, 1688 sur les 2537 établissements de santé sollicités ont répondu, soit un taux de participation national de 41%, dont :

 43% d’établissements publics de santé (EPS),
 40% d’EPBL,
 14% d’ESPIC.

Ces établissements peuvent être titulaires d’activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), psychiatrique (PSY), hospitalisation à domicile (HAD), de soins de suite et réadaptation (SSR), ou de dialyse

 

Paysage de la pharmacie clinique en structure hospitalière

Près de 90% des établissements de santé (ES) déclarent réaliser une activité de pharmacie clinique. Ils sont en revanche 22% à avoir déjà fait de la conciliation dans leur structure.
Parmi les autres activités de pharmacie clinique, l’analyse pharmaceutique des prescriptions est effectuée dans 98% des ES. L’accompagnement éducatif obtient un taux de 58% d’ES la pratiquant et l’éducation thérapeutique du patient (ETP) atteint 47 %.

D’autre part, notons que les structures de type PSY, SSR, DIALYSE ont de plus fortes activités pharmaceutiques dans l’accompagnement éducatif (72% versus 58% au national) et l’éducation thérapeutique (55% vs 47% au national).

 

Portrait de la conciliation médicamenteuse

Quels services ?

La conciliation médicamenteuse est principalement effectuée dans des unités dont la durée de séjours est compatible avec le dispositif. Ainsi, en gynécologie-obstétrique ou aux urgences, où à durée moyenne de séjour (DMS) est courte, la démarche est peu implantée (respectivement 10 et 23%) tandis qu’en médecine hors urgences, en chirurgie, gériatrie, SSR, la conciliation a déjà été pratiquée (de 41 à 59%).

Par qui ?

Ce sont les médecins et pharmaciens qui se chargent de la mettre en œuvre dans les unités. Les professions paramédicales telles que les infirmiers(es) diplômés(es) d’état (IDE) et les préparateurs en pharmacie participent aussi à cette activité (respectivement 60 et 48% des établissements les mentionnent) en se concentrant sur une tâche : le recueil des informations. C’est par ailleurs dans le privé que ces professionnels sont les plus sollicités (92% dans le privé, 85% dans les ESPIC contre 62% dans le public). Si le recueil des informations est une activité partagée par tous, la gestion des divergences reste une activité quasi exclusive des professions médicales et pharmaceutiques.

Quelles sources ?

L’enquête rapporte que les principales sources d’informations pour la conciliation sont le dossier patient et les ordonnances suivis par les entretiens avec le patient ou l’entourage. La prise de contact avec le médecin traitant et pharmacien n’arrivent qu’en 5ème et 7ème position. Le dossier pharmaceutique (DP) comme source d’information n’est pas aussi marqué en raison du niveau d’implantation dans les structures hospitalières : 212 PUI sont connectées au DP, soit 7,7 % à l’échelon national (source : ordre national des pharmaciens au 12/11/2015).

Quand ?

A l’heure actuelle, la conciliation est faite lors de l’admission du patient pour 95% des ES, la sortie n’obtient que 68% alors qu’elle permet notamment de sécuriser la transition de l’hôpital vers la ville. Dans une logique de parcours du patient, la conciliation lors des transitions entre structures est davantage pratiquée dans les HAD, SSR, PSY et DIALYSE que dans les MCO (en moyenne 71% versus 56%).

1. Problématique de la priorisation

Le développement de cette activité dans la sécurisation de la prise en charge a amené les ES à prioriser leur cible d’action. On retrouve dans les populations priorisées, les personnes de plus de 65 ans et les « polymédicamentés ».

Cependant, l’analyse des verbatim a permis d’explorer les initiatives individuelles sur cette thématique. On y retrouve une priorisation en fonction de la maladie (chronique, psychiatrique, polypathologique…), de l’âge (enfant, personne âgée), de critères sociaux ou cognitifs (personne isolée, ne parlant pas français, handicapés, en perte d’autonomie, en déclin cognitif), de services (SSR, EHPAD, chirurgie…), de modes d’entrée (urgences, entrées programmées), des thérapeutiques (médicaments à risque, médicaments de la greffe…) ou encore de scores (MEDREC, scores internes plus ou moins complexes).

2. Les freins au développement de la conciliation et les besoins exprimés

L’accueil de la conciliation a été déclaré comme très bon puisque moins de 5% des équipes pharmaceutiques et dans les directions (président de commission et conférence médicale d’établissement (CME)) sont réticents. La réticence est un plus élevée (11%) chez les équipes médicales, et ce de manière plus marquée dans les structures privée avec 17%.

En ce qui concerne les freins au développement de la conciliation, il ressort de l’enquête :

 un manque de disponibilités des professionnels (94%),
 un manque d’outil (81%),
 des systèmes d’information/logiciel métier inadaptés (78%),
 une méthodologie complexe à mettre en œuvre (75%),
 un manque de formation aussi bien initiale que continue (74%).

Si les logiciels-métier ou système d’information hospitalier (SIH) inadaptés constituent un frein au déploiement, ils ne sont pas pour autant indispensables au démarrage de la démarche comme le montre la proportion d’ES faisant de la conciliation et ayant démarrés des réflexions d’amélioration avec le développeur du SIH (38%).
Les besoins exprimés sont totalement corrélés aux freins perçus puisque les ES recherchent des moyens en ressources humaines, des référentiels de mise en œuvre, des outils adaptés ainsi que de l’offre de formation.

3. L’impact favorable sur l’organisation et le retour d’expérience

L’accueil favorable de la conciliation s’accompagne d’un optimisme concernant les retombées. Tout d’abord, 97% des ES citent la sécurisation de la prise en charge comme impact majeur suivi du renforcement du lien social et du dialogue entre les équipes en interne mais aussi en ville ou dans d’autres structures : collaboration pluridisciplinaire ville/hôpital/ville (95%), amélioration de l’information patient (94%), travail en équipes pluriprofessionnelles (93%) et partage et optimisation des SIH (85%).
L’efficience de la prise en charge est elle aussi citée comme pouvant profiter positivement de la conciliation : optimisation des prescriptions (94%), baisse de la consommation de médicaments (85%), modification de l’organisation (77%) et diminution des ré-hospitalisations (71%).

Par ailleurs, près de 62% des ES l’ont intégré (ou ont prévu de l’intégrer d’ici 2018) comme action dans leur programme d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (PAQSS). Le retour d’expérience sur les erreurs médicamenteuses détectées par cette activité est mise en œuvre dans 44% des ES notamment lors de formations, de CME/sous-commissions de CME, de réunions de service, de retour d’expérience/revue de morbi-mortalité (RMM).

4. Indicateurs

La question des indicateurs a soulevé une grande variabilité de résultats. L’analyse permet de distinguer :

 Les indicateurs quantitatifs tels que le nombre de patients conciliés le plus souvent rapporté au nombre de patients conciliables, le nombre de divergences intentionnelles (DI) ou non intentionnelles (DNI), le nombre d’interventions pharmaceutiques, le nombre de sources, d’informations utilisées, le nombre de lignes de médicaments poursuivies, modifiées, interrompues suite à la conciliation, le temps de conciliation…
 Les indicateurs qualitatifs tels que l’impact clinique, le type de patients conciliés, le type de DI ou DNI, le type de médicaments concerné par la divergence (classe thérapeutique, indications, forme galénique), le type de modifications proposées ou encore un questionnaire de satisfaction patient et officinal.

Près de 32% des ES déclarent avoir mis en œuvre des indicateurs sur leur pratique. Notons une différence entre le privé qui atteint 21% contre 48% pour le public.

 

Accompagnement

L’enquête démontre une volonté de s’engager pour un certain nombre d’établissements au travers de leur programme d’actions en matière de qualité et sécurité des soins. Compte tenu des freins au déploiement évoqués supra, des accompagnements nationaux et régionaux des professionnels sont nécessaires pour sa mise en place.

Dans ce contexte, l’accompagnement de cette démarche repose sur plusieurs actions :

Outils nationaux

La HAS a de publier un rapport d’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation dans le cadre du projet High 5s auquel 9 établissements français ont participé et prévoit de publier un guide d’accompagnement de la mise en œuvre de la conciliation dans les établissements de santé.

Financement

La circulaire n°SG/2015/152 du 28 avril 2015 relative aux modalités de mise en œuvre du fonds d’intervention régional en 2015 comprend un accompagnement visant à impulser les pratiques de conciliation médicamenteuse notamment par la mise en place de formations et de mesures de déploiement.

Un appel à projet sera lancé en début d’année 2016 visant à accompagner financièrement 10 établissements pour mettre en œuvre des démarches de pharmacie clinique. Les établissements financés devront participer à une évaluation sur la base d’indicateurs qualitatifs et médico-économiques.

Formation

La DGOS a souhaité, par la délégation d’un financement dans le cadre du FIR 2015, inciter les établissements à se former. Elle ne préconise pas d’outil national particulier même si certaines démarches sont très avancées.

Accompagnement régional

À l’échelon régional, les ARS peuvent s’appuyer sur les structures d’appui et d’expertise qui exercent un relais de proximité auprès des établissements de santé et des professionnels de santé visant à la promotion de la qualité et de la sécurité des soins dans le champ des produits de santé notamment les OMEDIT.

Les enseignements de cette enquête, le rapport d’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation dans le cadre du projet High 5s de la HAS et les revues bibliographiques amènent à penser que la mise en place de la conciliation médicamenteuse ne s’improvise pas et nécessite des pré-requis :

 elle ne peut s’inscrire que dans une démarche globale de sécurisation (programme d’actions en matière de bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux stériles) et non de façon isolée
 elle implique de se pencher sur son organisation en fonction de ses besoins et ressources
 elle nécessite d’établir une priorisation (secteur d’activité, profil de risque, moyens notamment) en fonction de chaque organisation
 elle doit être portée par la gouvernance des établissements en lien avec la CME ou CFME
 elle implique un lien étroit avec les professionnels du secteur ambulatoire (médecins, pharmaciens infirmiers notamment) dont les modalités de partage d’information devront idéalement être formalisés ;
 le personnel dédié doit être formé à la démarche
 les professionnels doivent disposer d’outils et idéalement de systèmes d’information intégrant des modules dédiés à la conciliation.